SNCF : Rentabilité ne rime pas avec sécurité17/02/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/02/une2168.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

SNCF : Rentabilité ne rime pas avec sécurité

Dans son rapport 2010, la Cour des comptes consacre un chapitre à la SNCF, dans lequel elle attaque de front les cheminots, les désignant implicitement et une nouvelle fois comme des privilégiés qui ne feraient pas grand-chose de leurs dix doigts. Ils ne seraient pas assez rentables, en particulier les agents de conduite dont « la durée de travail effectif moyenne est de 6 h 22 (durée à distinguer du temps de conduite, sensiblement inférieur) ».

En fait, cette moyenne théorique ne signifie pas grand-chose. Pour s'en convaincre, voici quelques exemples de journées de conducteurs SNCF.

Sur le réseau banlieue voyageurs de la région parisienne du RER B, la moyenne d'une journée de travail est de 5 h 30/6 h environ et au plus de 7 h 30. Rouler plus longtemps ne serait pas compatible avec la sécurité, surtout lorsqu'on se lève à 3 heures du matin un jour, 5 heures le lendemain, 4 heures le surlendemain, etc. Le temps passé à conduire en banlieue, c'est-à-dire dans des zones très denses, exige une attention aiguë de tous les instants. Le conducteur, qui est seul dans son train, commande la fermeture des portes plus de cent fois par jour, en vérifiant que tout se passe bien, en particulier aux heures de pointe lorsque les quais sont bondés. La régularité est une gageure impossible à tenir lorsque par exemple un train est supprimé et que le train suivant récupère les voyageurs de deux trains. De 30 à 45 secondes pour fermer les portes, on passe à 2 minutes ou plus, avec les conséquences inévitables sur un réseau saturé comme celui de l'Île-de-France. Sur la fatigue accumulée par la tension, se greffe la pression exercée par l'encadrement pour exiger une impossible régularité des trains.

Le rapport souligne la différence entre la durée du travail et le temps de conduite. Certes, mais cette différence est directement liée aux exigences du métier. Ainsi par exemple, pour un agent de conduite de TER habitant Rennes, la prise de service se fait un dimanche, à midi, à Rennes, la fin de service à Lannion à 21 h 45 (soit une journée de 9 h 45, dont plus de 8 heures de conduite effective) et un retour le lundi avec un départ de Lannion à 6 h 36 et une arrivée à Rennes à 11 h 40. D'autres fois, la journée commence à 13 h 15 et se termine à 23 h 40, soit 10 h 25 de temps à la disposition de la SNCF. Toutes les journées ne sont pas comme cela, mais d'autres sont pires. Les coupures ne sont pas prises en compte dans le temps de travail effectif, donc ne sont pas payées.

Quant aux conducteurs de TGV, les plus considérés et les mieux payés (par exemple, environ 3 400 euros par mois après vingt-huit ans de carrière, dont trois à conduire régulièrement des TGV), ils ont eux aussi des journées bien, voire trop remplies. Par exemple, un conducteur part de Paris-Montparnasse un lundi à 15 h 14 et arrive, 806 km plus loin, à Irun à 21 h 39. Il a alors dix minutes pour repartir avec son train sur Hendaye où il arrive à 22 h 13, fin de service. Il dort alors en foyer à Hendaye, s'il y a de la place. Sinon il se retrouve seul dans un hôtel jusqu'au lendemain lorsqu'il reprend son train et part à 7 h 53 vers Dax. Là, il est relevé par un autre agent de conduite jusqu'à Bordeaux (il voyage alors entre Dax et Bordeaux comme n'importe quel voyageur et n'est pas payé), où il récupère le même TGV pour le conduire jusqu'à Paris. Arrivée à 13 h 45 pour une fin de service à 14 h 09. Ensuite repos pendant deux jours, avant de recommencer le vendredi suivant à 6 h 24 pour finir à Nantes à 23 h 49, etc.

Certes, dans ces vies de bâton de chaise, les heures de conduite proprement dites vont rarement au-delà de six heures, mais c'est presque trop pour que la sécurité des voyageurs (et des conducteurs) soit assurée à 100 %. Mais la Cour des comptes ne l'entend pas de cette oreille, elle qui, sous prétexte d'ouverture à la concurrence privée du réseau ferré, s'efforce d'imposer à tous les cheminots de travailler plus en étant de moins en moins nombreux.

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