Haïti : S'organiser pour survivre03/02/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/02/une2166.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Haïti : S'organiser pour survivre

Si la situation en Haïti ne fait plus la une des journaux télévisés, la population, elle, continue à se débattre pour survivre. Certes la distribution des rations alimentaires apporte un certain soulagement, mais ces secours atteignent rarement les quartiers pauvres.

En fait, comme depuis le début de la catastrophe, la population se retrouve livrée à elle-même, les autorités locales se révélant incapables de faire face et d'organiser les secours. Les chaînes de télévision françaises ont mis en valeur les gens sauvés par les secouristes occidentaux, mais la majorité l'a été par la population elle-même, qui a montré dans ces événements un haut niveau de solidarité. La population d'Haïti ne peut faire confiance qu'à elle-même. C'est le constat que font nos camarades de l'Organisation des Travailleurs Révolutionnaires d'Haïti (OTR-UCI) qui, avec leurs moyens, s'adressent ainsi à la population :

Les responsables officiels ont failli. Ils se sont révélés totalement incapables de faire face aux conséquences de la catastrophe. Ils étaient tout simplement absents. La population s'est retrouvée non seulement sans moyens, mais sans plan, sans la moindre indication de ce qu'il fallait faire, sans la moindre coordination. Ceux qui ont été sauvés l'ont été par la population elle-même, grâce à la solidarité. C'est cette solidarité qui fait notre force. Pour qu'elle soit opérante, il faut une coordination. Il faut élire nos propres responsables. Par ces temps de catastrophe, nous avons pu vérifier dans chaque courée, dans chaque regroupement de fortune, la valeur des hommes et des femmes. C'est parmi ceux que nous avons pu apprécier qu'il faut choisir nos responsables.

Il faut créer, partout où faire se peut, des « comités de survie », afin qu'ils prennent en charge le recensement des besoins et la répartition de tout ce qui est nécessaire à la survie : eau, médicaments, nourriture, couchage. Nous ne pouvons faire confiance qu'aux nôtres, à ceux d'entre nous que nous aurons élus et qui restent sous notre regard. Nous n'avons pas à accepter que des individus détournent à leur profit les vivres et se remplissent les poches alors que nous sommes sous la menace de la mort par soif ou par faim.

Nous ne pouvons pas plus faire confiance à la police qu'aux troupes d'occupation de différentes obédiences. Nous devons assurer nous-mêmes notre propre sécurité. C'est à des hommes et des femmes issus de nos rangs, sous notre contrôle, d'assurer l'ordre et la sécurité de tous.

Nous avons constaté que nous ne pouvons compter sur personne. Mais en nous organisant, nous n'avons besoin de personne. Nous organiser, élire nos propres responsables, nous faire entendre collectivement, voilà les tâches vitales de l'heure. C'est à notre portée et c'est indispensable.

Il faut réquisitionner tous les stocks de nourriture, ceux des dépôts appartenant à de gros importateurs, aux supermarchés ou aux particuliers aisés, ainsi que les stocks de moyens de couchage, de matériel de cuisine, d'outillage nécessaire au déblaiement. La propriété privée n'a pas lieu d'être dans une catastrophe collective et n'est pas opposable à la survie des êtres humains. Elle doit être suspendue, d'autant plus que nombre de riches particuliers se sont fait évacuer par les premiers avions d'évacuation, la vie sauve et les valises pleines. Le recensement de ces stocks doit se faire collectivement, être réquisitionnés et le cas échéant partagés sous le contrôle de tous par les responsables choisis par la communauté concernée. Le pillage individuel ne peut et ne doit être empêché que par la discipline d'une collectivité qui est à même de déterminer les priorités et empêcher que la répartition soit celle de la loi de la jungle.

C'est de la même manière que les vivres arrivés dans le cadre de l'aide internationale doivent être répartis. L'encadrement de la distribution des vivres avec des troupes armées jusqu'aux dents est non seulement attentatoire à la dignité, mais n'empêche absolument pas l'anarchie, la loi du plus fort, car ces dispensateurs de vivres ne connaissent ni les besoins réels, ni les priorités. C'est à chaque collectivité d'assurer sa propre discipline.

Les autorités, tant celles nationales qui réapparaissent, maintenant qu'elles ont démontré qu'elles ne servent à rien, que les autorités internationales, en réalité américaines, qui exercent ouvertement le pouvoir, respecteront d'autant plus nos besoins et nos exigences que nous nous ferons entendre. Et nous faire entendre, c'est avant tout montrer que nous sommes organisés et que les représentants que nous nous serons donnés bénéficient de l'appui massif de la population pauvre.

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