Renault Flins : Clio, de la Turquie aux Yvelines, une histoire de chômage21/01/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/01/une2164.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Renault Flins : Clio, de la Turquie aux Yvelines, une histoire de chômage

« La responsabilité d'un grand patron est de s'assurer que le principal responsable du pays connaît sa stratégie », soulignait Ghosn, PDG de Renault-Nissan, au sortir de l'Élysée le 16 janvier.

Tout était pourtant fait pour qu'on croie à une sévère convocation du patron de Renault par le chef de l'État. La veille déjà, la rencontre entre Pelata, son directeur général, et Estrosi, le ministre de l'Industrie, se voulait le premier acte d'une mise en scène sur le thème « le gouvernement tape du poing sur la table ». Une semaine plus tôt, le journal La Tribune avait annoncé que la future Clio IV de Renault sortirait essentiellement des usines turques du groupe, à Bursa.

C'est vrai qu'il y a de quoi s'indigner. Non de cette nouvelle qui n'en est pas une : l'actuelle Clio III est déjà surtout montée à Bursa, de même que la Clio II Campus, plus ancienne, moins chère, a été rapatriée de Roumanie à Flins l'automne dernier, pour répondre à la demande. Les précédentes Clio, depuis vingt ans, ont elles aussi été majoritairement assemblées en Espagne, en Slovénie, puis en Turquie. Les constructeurs diversifient les sites de production et de montage, en fonction du coût de la main-d'oeuvre et donc de ce qu'États et patronats locaux parviennent à imposer à la classe ouvrière, mais aussi des avantages qu'ils obtiennent : terrains, usines, fiscalité. Il n'est pas étonnant que la Clio IV soit elle aussi prévue en 2013 sur différents sites, la direction étant probablement incapable de prévoir où et comment elle gérera les étapes de sa fabrication.

Ce qui est révoltant, c'est l'aplomb avec lequel les capitalistes de l'automobile empochent les cadeaux pris sur l'argent public : les 3 milliards de prêt à bas taux à Renault, le milliard à sa filiale bancaire, sans parler de la prime à la casse, les 170 millions d'aide à la future voiture électrique et le futur superbonus de 5 000 euros pour son achat. Le dernier en date, et non le moindre, est la suppression au 1er janvier de la taxe professionnelle.

De l'opération théâtrale à visée électorale orchestrée par l'état-major de Sarkozy, il ressort - pour ceux qui sont dupes - que ce dernier a sauvé l'emploi à l'usine de Flins, puisque le PDG a tout de même consenti à confirmer la production d'une partie des futures Clio IV.

Mais les déclarations des uns et des autres sont loin d'apaiser chez les travailleurs de Flins (3 400, sans compter plusieurs centaines d'intérimaires et de salariés prêtés par d'autres sites) l'inquiétude causée par la diminution continuelle des emplois dans la région et relancée par La Tribune. En 2009, 600 emplois ont disparu à l'usine et, outre les départs « volontaires » dans le cadre d'un plan Renault, des centaines d'intérimaires se sont retrouvés sans mission.

L'emploi préservé par une future Clio IV produite à Flins n'est qu'un leurre. Qu'en sera-t-il dans trois ans, si vraiment ce véhicule est lancé, alors que la fonte actuelle des effectifs est bien réelle et ne fait que s'accélérer depuis 30 ans, quand l'usine employait plus de 21 000 personnes ? Comment compter sur le flou d'une direction qui lance des pistes informes, comme ce véhicule électrique dont nul ne s'aviserait de prévoir le succès ou l'échec ?

Les travailleurs de Flins, comme tous dans l'automobile, ne peuvent que se méfier des mauvais coups que rêvent de préparer ensemble patrons et gouvernements. Les pseudo-engagements des premiers peuvent aisément servir de contrepartie à une régression des droits ouvriers facilitée par les seconds : aide à la flexibilité des ouvriers ou limitation des salaires, comme l'a auparavant obtenue Renault en Espagne, en échange de la fabrication de la Modus.

Ils ne peuvent, pour défendre les emplois, qu'exiger le maintien des effectifs au moins au stade actuel, ce qui impose l'embauche de jeunes pour remplacer les centaines de départs en retraite des deux ou trois prochaines années.

Et au-delà, seul le partage du travail entre tous conservera les emplois des travailleurs de Renault et de ses filiales, en Turquie, en Roumanie, en Slovénie, en France et ailleurs. Leur force, c'est leur nombre et précisément leur présence dans différents pays, sur différents sites où ils seront, quand ils le décideront, à même de dicter leurs exigences au groupe capitaliste.

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