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Dans les entreprises
France Télécom : Les médecins du travail sont invités à faire le tri
Une note adressée par le médecin coordinateur de France Télécom, le 12 septembre dernier, aux quelque 70 médecins du travail de l'entreprise vient d'être rendue publique. Dans ce courrier électronique, il est suggéré aux destinataires d'organiser des conférences avec les directeurs d'unité et les directeurs des « ressources humaines » pour « passer en revue l'ensemble des personnes qui devraient faire l'objet d'une attention redoublée ».
Passer en revue ceux qui ne satisfont pas aux critères de rentabilité de France Télécom pour les placer dans le collimateur de la direction ? Cela n'est pas du goût d'un certain nombre de médecins de France Télécom. Ils n'ont pas envie de se transformer en délateurs, même si le fait d'être eux-mêmes des salariés de France Télécom les conduit à une certaine prudence dans la contestation. C'est sans doute pourquoi le message de la direction qui devait rester discret a finalement été rendu public.
Le principal syndicat des médecins du travail, affilié à la CGC, dénonce l'ordre de la direction qui leur demande de « repérer les salariés fragiles sans qu'ils en soient informés », ce qui bafoue le secret médical. Le rôle des médecins du travail, tel que le conçoit ce syndicat, est de « traduire les plaintes individuelles en problèmes collectifs ». Or, depuis que les suicides ont été rendus publics, la direction de France Télécom s'est efforcée au contraire de faire de chaque suicide un cas individuel, et de chaque exemple de stress au travail un cas particulier. Comme elle ne pouvait pas nier complètement sa responsabilité, elle a mis les actes du désespoir sur le compte des « managers » qui ne savent pas s'y prendre avec le personnel pour faire passer sa politique de réduction d'emplois. En revanche, la direction tient à ce que les actionnaires bénéficiaires de la rentabilité financière restent dans l'ombre.
C'est là une politique qui n'est pas propre à France Télécom, même si les consignes des directions d'entreprise aux médecins qu'elles considèrent comme les leurs viennent rarement sur la place publique.
À France Télécom, les pressions pour faire partir des salariés jugés non rentables avaient d'ailleurs commencé bien avant que la vague de suicides soit mise en évidence. Simplement, la direction voudrait maintenant faire croire que, si elle pousse une partie du personnel vers la sortie, c'est pour leur bien. Elle est, voyez-vous, préoccupée de leur santé au point de leur épargner les conditions de travail qu'elle va continuer à aggraver !
C'est tant mieux si des médecins du travail ne veulent pas être des rouages d'une telle politique et veulent concentrer leur attention sur les problèmes collectifs que révèlent les cas individuels. Car c'est bien la force collective des travailleurs, encore près de 100 000 à France Télécom, qui pourra couper à la direction toute envie de sélectionner ceux qui tiennent le coup pour mettre les autres au rebut.