Dubaï : Gaspillage insensé et exploitation forcenée02/12/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/12/une2157.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Dubaï : Gaspillage insensé et exploitation forcenée

Dubaï, présenté comme un nouvel Eldorado du capitalisme, ce paradis pour riches sorti des sables, ce pays des fortunes rapides, où les lingots d'or se vendent dans les grands magasins et où les hôtels envoient des Rolls pour prendre leurs clients à l'aéroport, était donc un château de cartes, pour ne pas dire une escroquerie. C'est ce qui a éclaté au grand jour lorsque, le 25 novembre, les autorités de cet émirat ont déclaré qu'elles ne pourraient pas honorer leur dette de 80 milliards de dollars.

Nombre de grands groupes capitalistes y ont pourtant participé et en ont profité jusqu'à ce jour. Toutes les grandes banques, par exemple, ont pris part à cette spéculation, même si, de peur de devoir faire état de pertes astronomiques, elles ne veulent pas aujourd'hui reconnaître le montant de leurs engagements. Les grandes entreprises françaises, et ce ne sont pas les plus présentes, ont toutes ou presque des filiales à Dubaï ou dans un des émirats voisins, de Bouygues à Carrefour en passant par les marques de luxe, celles de l'hôtellerie et les inévitables marchands d'armes.

Des architectes en vue, des footballeurs de renom, des stars du rock ou du cinéma et jusqu'à l'ex-épouse de Sarkozy, Cécilia, ont fait, gratuitement ou non, l'éloge du développement de Dubaï et de sa douceur de vivre (pour eux). La plus petite agence de voyage de la ville la plus reculée proposait un Dubaï-tour, précisant bien que l'alcool n'était pas interdit dans ce pays musulman. Les reportages sur l'île artificielle monde et l'île palmier, sur la piste de ski en plein désert et sur le plus haut building de la planète ont fait le tour du monde. L'État français lui-même a participé à la campagne de promotion, implantant une antenne de la Sorbonne et une annexe du Louvre dans la région, mobilisant diplomates et marchands d'art, généraux et ministres, pour resserrer les liens avec les émirats et faire monter la mayonnaise. Sarkozy s'est même déplacé en personne dans la région, apportant sa pierre à l'édifice spéculatif. Jusqu'aux mafias de différents pays qui ont fourni les hôtels en prostituées et drogues diverses.

Les profiteurs et les laudateurs de Dubaï n'ont jamais eu un mot ni un regard pour les 250 000 ouvriers qui construisaient les immeubles, bases de la spéculation. Venus essentiellement d'Asie du Sud, privés de leur passeport à l'arrivée, parqués dans des baraquements situés loin de la ville et placés sous surveillance policière, conduits en bus jusqu'aux chantiers, travaillant par des températures de 40 degrés, privés de tout droit, même celui de se promener, expulsés à la moindre incartade, les ouvriers du bâtiment ont pourtant plusieurs fois relevé la tête, fait grève et manifesté. Ils ont exigé en particulier de meilleures conditions de travail, face à une exploitation qui s'est traduite par des centaines de morts chaque année sur les chantiers de Dubaï. Depuis un an que la crise a commencé et que les chantiers s'arrêtent progressivement, des ouvriers sont renvoyés sans même avoir été payés. Et, avec la faillite générale, des dizaines de milliers d'entre eux sont menacés du même sort.

Mais ce qui préoccupe les banquiers, et donc les États et les organismes internationaux, c'est de sauver leurs placements qui, s'ils y parviennent, serviront dans une autre spéculation, tout aussi absurde et criminelle que celle de Dubaï.

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