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Présidence de l'Union européenne : Surtout ne pas faire d'ombre aux grandes puissances
« L'Europe choisit un inconnu », « une Europe minimaliste », « encore un faux départ pour l'Europe »... Les commentaires ont été quasi unanimes après la désignation, le 19 novembre par les vingt-sept États de l'Union européenne, de celui qui devient le premier président permanent du Conseil européen, c'est-à-dire de la réunion des vingt-sept chefs d'État ou de gouvernement des pays membres.
La désignation à ce poste du Premier ministre belge, Herman Van Rompuy, met un terme au système jusqu'alors en vigueur d'une présidence de l'Union européenne qu'exerçait, pour six mois et à tour de rôle, chacun de ses États membres, une fonction purement honorifique. C'est en disant vouloir donner à l'Union une direction reconnue et durable (le mandat de deux ans et demi est renouvelable une fois) que le traité de Lisbonne avait créé tout exprès un poste élu de président de l'Union. Pourtant, le moins que l'on puisse dire est que Van Rompuy n'a rien d'une personnalité européenne de premier, ni même de second plan. En fait, c'est même précisément pour cela qu'on l'a choisi, dans l'esprit du traité de Lisbonne, ce résultat bancal de laborieuses tractations entre les puissances qui dominent le continent : la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France.
Les marchandages qui ont présidé à l'élection du « président de l'Europe » sont de la même eau. Dans un premier temps, Londres et Paris soutenaient la candidature de l'ex-Premier ministre Tony Blair. Mais Berlin et les « petits » États européens n'en voulaient pas, mettant en avant le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker... que refusaient Paris et Londres. Quant à l'ex-présidente d'un de ces petits pays, la Lettonie, Vike-Freiberga, qui avait eu l'outrecuidance de se présenter sans avoir l'aval du trio anglo-franco-allemand, elle fut sortie de la compétition plus vite qu'elle n'y était entrée.
Finalement, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se sont mis d'accord sur le compromis Van Rompuy, tout en dédommageant leur compère Gordon Brown. En effet, le poste élu de haut représentant (ministre) aux Affaires étrangères de l'Union va à la commissaire européenne au Commerce, lady Ashton, baronne et travailliste de son état. Son élection devrait, paraît-il, satisfaire les partis socialistes européens en rétablissant un certain équilibre, puisque Van Rompuy est notoirement de droite.
Il peut sembler paradoxal, sinon cocasse, que la Grande-Bretagne hérite de ce poste alors que les représentants de l'État britannique et de sa bourgeoisie se sont toujours opposés à l'idée même d'un ministère européen des Affaires étrangères. Mais ce n'est que caractéristique de cette Europe de la bourgeoisie, tiraillée entre les intérêts divergents des puissances impérialistes du continent et leur besoin impérieux de donner un cadre plus large à leur commerce et à leurs capitaux.
Ce qu'ils appellent « l'Europe unie » reste d'abord celle de leurs capitaux. Quant à l'union politique de cette Europe-là, les divergences d'intérêts entre ses États continuent de la faire ressembler à une coquille vide. Même avec deux potiches à sa tête.