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Quand l'Humanité-Dimanche parle du communisme : Lénine, connais pas !
Sous le titre « L'échec du soviétisme, l'échec des tentatives sociales-démocrates et la crise historique du capitalisme appellent une mobilisation dans la réflexion », l'Humanité-Dimanche datée du 5 au 11 novembre a publié sous la signature de son directeur Patrick Le Hyaric une double page qui illustre la signification que le PCF donne aujourd'hui au mot communisme.
Mais pourquoi utiliser ce terme de « soviétisme » pour qualifier le régime qui a sévi en URSS durant des décennies, et ne pas parler tout simplement du stalinisme ? Ce n'est pas un choix innocent, car il s'agit pour Le Hyaric de faire porter à la Révolution russe de 1917, à la révolution qui fit des soviets vivants les organes du pouvoir ouvrier, la responsabilité de l'horrible caricature du socialisme que fut l'URSS stalinienne, qui n'avait de soviétique que le nom.
Cette caricature du socialisme, Le Hyaric en a pourtant été un admirateur. N'était-il pas déjà responsable départemental du PCF dans le Morbihan, en 1980, à l'époque où Brejnev était le maître de l'URSS ? Sur ce qu'il disait en ces temps passés, comme tous les dirigeants communistes de sa génération, il est d'une totale discrétion.
Il réussit par ailleurs le tour de force de parler de la révolution russe sans jamais mentionner le nom de Lénine. Et parlant de l'« échec » de cette Révolution, il formule un jugement digne de Monsieur de La Palisse : « Certes, cette révolution dut faire face à de puissantes forces opposées. Mais n'est-ce pas le lot de toute révolution ? », pour enchaîner aussitôt : « Celle-ci aurait d'ailleurs pu réussir si elle avait eu l'assentiment des peuples. » Autrement dit, si le prolétariat russe fut évincé du pouvoir par une clique bureaucratique, ce serait parce que sa révolution n'avait pas eu « l'assentiment des peuples ». Oubliées les années pendant lesquelles toute l'Europe fut secouée par une vague révolutionnaire qui n'échoua que parce que les amis sociaux-démocrates du PCF mirent toutes leurs forces au service de l'ordre capitaliste.
En effet, quand Le Hyaric parle de « l'échec des tentatives sociales-démocrates », c'est aussi peu innocent que quand il parle de « l'échec du soviétisme ». Il n'y a jamais eu, depuis 1914, de tentatives sociales-démocrates de changer l'ordre social existant. Depuis cette date, la social-démocratie est tout entière passée du côté de l'ordre capitaliste. Mais évidemment, reconnaître cela, ce serait reconnaître que toutes les périodes de soutien ou de participation du PCF à des gouvernements socialistes, que ce soit au moment du Front populaire, de l'immédiat après-guerre, des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet en 1956, de Mitterrand ou de Jospin, s'inscrivaient dans cette défense de l'ordre capitaliste.
Mais que reste-t-il dans tout cela du « communisme » dont continue à se revendiquer l'Humanité-Dimanche, sans faire aucune référence, non seulement à Lénine, mais aussi à Marx et à Engels ? Eh bien, nous explique Le Hyaric, « l'idée communiste (...) n'est pas née en Union soviétique. Elle trouve sa source dans la tradition de l'utopie sociale, de Platon à Thomas More... » ; mais quels que soient les mérites de la société imaginée par Thomas More, il y a de meilleures références à invoquer, pour parler du communisme, que ce chancelier d'Henri VIII et surtout que le défenseur de l'esclavagisme que fut Platon !
Quant à savoir à quoi rêve Le Hyaric aujourd'hui, c'est à « une issue » qui « ne peut être que post-capitaliste », qui « combinerait liberté et démocratie d'intervention » à « de bonnes rémunérations grâce à un nouveau partage des richesses », à « une économie plurielle combinant un secteur public dominant avec d'autres formes de propriété », comprenant « propriété et initiative individuelle ». Bref à un programme que tout social-démocrate serait capable de signer, à un programme qui ressemblerait comme un frère au « programme commun de gouvernement » de 1972.
Faut-il vraiment une « mobilisation dans la réflexion » pour aboutir à cela ?