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- Lutte ouvrière n°2152
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Leur société
À propos de quelques « élus du peuple » : La démocratie, version parodie
Alors que Jean Sarkozy se portait (encore) candidat à la présidence de l'EPAD, l'organisme de gestion du quartier de la Défense, ses défenseurs au sein de la majorité et du gouvernement ont rivalisé d'hypocrisie et de servilité pour réfuter les accusations de népotisme pesant sur le président, faisant valoir « la légitimité de sa candidature en tant qu'élu au suffrage universel », revendiquée par l'intéressé lui-même.
Il fallait donc croire que, si Jean Sarkozy briguait ce poste qu'il était sûr d'obtenir, cela n'avait rien à voir avec le fait qu'il soit le fils à son papa, mais simplement parce qu'il avait été élu conseiller général des Hauts-de-Seine, dans le canton de Neuilly. Et tous de taper sur le même clou. Pour Fillon, « Jean Sarkozy a été élu », il n'y avait donc rien à redire. De Villiers, nouvellement rallié à la majorité gouvernementale, pensait que, « en tant que conseiller général élu du peuple, Jean Sarkozy a parfaitement vocation à remplir cette mission ». Et pour Darcos, « il a été élu par le peuple, cela s'appelle la démocratie ».
N'en déplaise au ministre du Travail, le système électoral français et la façon dont il déforme la représentation de la population ne justifient pourtant pas que l'on ait ainsi plein la bouche du mot « démocratie ». Tout est fait pour favoriser ce qu'il est convenu d'appeler les « grands partis » et restreindre ne serait-ce que l'expression des autres, c'est-à-dire l'opinion d'une partie de la population. C'est criant à travers les médias, où les petits partis n'ont que peu de moyens pour se faire entendre. Mais surtout, le système électoral contribue à les exclure de tout poste électif.
L'élection d'un député ou d'un conseiller général se fait au scrutin majoritaire à deux tours, et seuls ceux qui ont obtenu au moins 10 % des voix peuvent se représenter au second tour, ce qui constitue un filtre efficace pour écarter les représentants de partis minoritaires, qui n'en sont pas moins soutenus par des centaines de milliers d'électeurs à l'échelle nationale. En outre, le découpage électoral entre cantons ou circonscriptions permet tous les tripatouillages, en général favorables au parti au pouvoir, même si l'opposition peut aussi avoir quelques fiefs où elle est sûre d'avoir des élus. Quant aux élections où existe « une dose de proportionnelle », comme les élections européennes, la barre mise à 5 % pour avoir au moins un élu aboutit au même résultat.
Enfin et surtout, en ce qui concerne Jean Sarkozy, il a été élu conseiller général dans le canton de Neuilly-sur-Seine, une ville où, pour reprendre l'expression du socialiste Arnaud Montebourg, même une chèvre aurait pu être élue, pour peu qu'elle ait porté le sigle UMP ! Autant dire qu'il a surtout été choisi par l'appareil de ce parti, un appareil au sein duquel, à ce que l'on sache, son père dispose de quelque influence.
N'oublions pas non plus l'élection présidentielle, où le président de la République est élu au suffrage universel, au nom de quoi il proclame que tout lui est permis pendant cinq ans. Mais là aussi Sarkozy-père a surtout eu le mérite de réussir à s'imposer à la tête du parti de droite et d'en être le candidat. Quant à ses résultats, ils ne lui donnent pas, eux non plus, une telle légitimité. Au premier tour, le seul qui soit quelque peu représentatif du choix des électeurs, il n'a obtenu que 11 448 663 voix sur un total de 44 472 733 inscrits, ce qui ne représente environ qu'un quart des électeurs. On est loin de la majorité !
Sous l'Ancien Régime, le roi tirait sa légitimité du fait qu'il n'était pas seulement un fils à papa, mais aussi « l'oint du Seigneur ». A notre époque plus moderne, l'onction divine n'est plus crédible. Mais parler d'onction du suffrage universel demande à ne pas y regarder de trop près.