Snecma - Corbeil (Essonne) : Harcèlement, stress, souffrance au travail, suicides... c'est cela aussi l'exploitation capitaliste21/10/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/10/une2151.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Snecma - Corbeil (Essonne) : Harcèlement, stress, souffrance au travail, suicides... c'est cela aussi l'exploitation capitaliste

À la Snecma-Corbeil, entreprise du groupe Safran qui produit des moteurs d'avions et compte 2 800 salariés, il y a eu quatre suicides de travailleurs à leur domicile en 18 mois. « C'est supérieur à la moyenne des années passées », a benoîtement reconnu la direction locale.

Ces gestes sont à l'évidence l'aboutissement d'un itinéraire personnel parsemé d'événements douloureux où la solitude l'a emportée sur un réconfort espéré. Sans être forcément la raison première de ces gestes fatals, la situation à l'usine, où l'exploitation s'est accrue, où les pressions de l'encadrement sont devenues souvent intolérables, aussi bien dans les ateliers que dans les bureaux, a été de façon indiscutable LE facteur aggravant. La direction a beau nier cette réalité, elle reste incontestable pour de nombreux salariés.

Dans les ateliers, on pouvait auparavant effectuer des opérations différentes à son poste de travail. Aujourd'hui, c'est de moins en moins le cas. Le travail n'est souvent plus qu'une suite d'opérations spécifiques, imposées, répétitives, à reproduire sans cesse, un nouveau taylorisme en quelque sorte. À cela s'ajoute une pression constante des chefs, qui exigent la baisse des temps pour toutes les opérations. La direction utilise la restructuration dans le groupe pour imposer mobilité et flexibilité, décidant arbitrairement des mutations, refusant celles réclamées par les salariés. Les pressions pour le rendement sont quotidiennes et touchent aussi bien les bureaux, les services méthodes que les ateliers proprement dit. Bref, il faut produire toujours plus de moteurs en un temps toujours moindre.

Dans ces conditions les relations humaines se dégradent. La direction imposant son « management au plus près » casse les solidarités au travail en faisant croire que le dialogue individuel entre le salarié et le chef peut résoudre tous les problèmes « humains ». Elle a mis en place des entretiens individuels. La plupart des salariés qui les acceptent se retrouvent piégés par des objectifs inatteignables. C'est alors le prétexte à de nouvelles pressions faites de promesses, de ragots, de mensonges, pour mieux entretenir un climat de méfiance, de suspicion et de concurrence entre tous. La hiérarchie se donne le beau rôle et tente de faire croire qu'elle est à l'écoute. Celui qui se laisse prendre à ce chant des sirènes ne peut que s'en mordre les doigts.

Si nombre de chefs sont devenus incompétents techniquement, leur qualification dans le domaine du harcèlement psychologique s'est spectaculairement accrue : primes à « l'innovation », photo dans le journal d'entreprise, compétition entre les salariés, dénigrement des syndicats. Cela crée une ambiance pourrie dont la direction tire profit. Et dans cette période de recul social, une telle politique faite de « diviser pour régner » finit par porter ses fruits : la productivité des salariés Snecma a été multipliée par deux en dix ans.

Voici la réalité quotidienne à l'usine de Corbeil : harcèlement, stress, pressions, humiliations. Elle éclaire sous un autre jour les causes qui ont conduit des camarades de travail à commettre l'irréparable. Si à la Snecma il n'y a pas eu, comme à France Télécom ou à Renault, des salariés qui se sont suicidés sur leur lieu de travail, ou en laissant une lettre accusant leur direction sans équivoque possible, personne à l'usine de Corbeil n'est dupe. L'exploitation accrue, les pressions quotidiennes de la direction finissent par faire craquer des camarades déjà fragilisés dans leur vie personnelle.

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