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- Lutte ouvrière n°2151
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Dans les entreprises
France Télécom : Répondre à son ordinateur... ou riposter collectivement à la direction ?
Les conditions de travail à France Télécom sont désormais sur la place publique et les suicides ont commencé à engendrer des protestations collectives contre la politique de la direction. C'est dans ce contexte que la direction de France Télécom a recruté un cabinet, Technologia, chargé d'adresser un questionnaire à chacun des quelque 90 000 salariés, pour tenter de désamorcer la spirale du mécontentement.
Les salariés peuvent donc confier à Technologia leur situation psychologique liée au travail, leur sentiment d'être « tendu(e) ou sous pression », leur « blues ». Ils ont droit d'incriminer leur travail, trop intense, en quantité excessive, qu'on leur demande d'exécuter trop vite, ce qui les empêche de le faire correctement, d'autant que des ordres contradictoires viennent les bousculer. À la rubrique « contraintes professionnelles », ils peuvent même pointer « une situation de sous-effectif ». Il leur est aussi proposé de dire que la situation se détériore, de pester contre les changements de postes et la mobilité géographique qui leur sont imposés, de dénoncer les problèmes de nuisance sonore et d'ambiance thermique de leur poste de travail. Ils peuvent aussi déverser leur bile sur leurs collègues de travail, et même incriminer leurs chefs coupables d'agressions verbales, de menaces ou de chantages. Ils peuvent dire leur sentiment d'être dévalués professionnellement pour satisfaire les critères d'évaluation de la hiérarchie. Ceux qui sont incités à vendre le plus possible de produits pour augmenter le chiffre d'affaires peuvent déclarer être amené(e) à faire des choses qu'ils ne partagent pas sur le plan moral, etc. Et à la question 40, ils ont le droit d'affirmer, en un « clic » rageur s'ils le veulent, leur sentiment d'être exploité(e). Par qui ? Cela reste dans le flou. Si les « responsables » et les « Ressources humaines » sont souvent mentionnés, la direction de France Télécom n'apparaît jamais en tant que telle au fil des questions. Mais pourquoi s'en étonner ?
Le questionnaire lui-même montre qu'en fait la direction connaît très bien les raisons du malaise. Et si elle veut « libérer la parole » de chacun de ses salariés, c'est en espérant que celle-ci restera strictement confidentielle... par rapport aux collègues de travail de chacun, de façon à éviter une réponse collective. Car entre les intérêts des actionnaires gratifiés chaque année de plusieurs milliards d'euros de bénéfices et les aspirations des salariés à travailler tranquillement sans flicage permanent, avec l'embauche d'effectif suffisant, tout s'oppose. La question est de savoir si les salariés de France Télécom se contenteront de répondre à un questionnaire individualisé (même s'il est identique pour tout le monde) ou s'ils participeront, de plus en plus nombreux et regroupés, à des rassemblements comme ceux qui ont commencé d'émerger, pour imposer leurs volontés à la direction, à commencer par l'embauche de personnel. C'est une question qui, évidemment, n'est pas abordée dans le questionnaire.