Henri Proglio, PDG de Veolia, vient d'être désigné comme président d'EDF. Mais, simultanément, il devrait demeurer à la tête de Veolia, car cette entreprise est en train de réorganiser sa direction afin de lui aménager un poste de « président non exécutif ». Ce qui lui permettra, entre autres, de cumuler les salaires des deux fonctions.

Il est habituel de voir un dirigeant patronal passer dans le secteur public, et inversement. Mais c'est sans doute la première fois qu'un patron se trouve ainsi à la fois dans le public et dans le privé.

Proglio n'est toutefois pas un nouveau venu à la tête d'EDF. Celle-ci est en effet coiffée par un conseil d'administration dans lequel siégeaient, jusqu'à présent, plusieurs représentants patronaux, dont Proglio, le PDG des ciments Lafarge, un administrateur de la banque Calyon... Le service prétendu « public » d'EDF est depuis fort longtemps solidement encadré par le monde patronal.

Proglio ne faisait paraît-il pas mystère de sa volonté de rester à la tête de Veolia, car il souhaiterait rapprocher les deux entreprises. Elles ont déjà une filiale commune, Dalkia, et il est envisagé qu'EDF augmente sa participation dans le capital de Veolia.

En fait, au-delà de ces hors-d'oeuvre, on s'achemine vers l'effacement progressif de la limite entre privé et public et, au terme d'une évolution déjà largement entamée, on pourrait aboutir à la privatisation d'EDF. Après celles de France Télécom puis de GDF, dont les dirigeants politiques avaient juré, la main sur le coeur, qu'elles ne devraient jamais se réaliser.

On comprend donc que le personnel d'EDF partage souvent le point de vue selon lequel « ils ont vendu GDF à la Lyonnaise des Eaux (Suez), voilà maintenant qu'ils cèdent EDF à la Générale des Eaux (Veolia) ».

Pour le moment, le nouveau président d'EDF aurait comme mission, fixée par le gouvernement, de poursuivre le développement du nucléaire à l'international en mettant en ordre de bataille EDF, Areva, et en bénéficiant de l'expérience internationale de Veolia. Bref, il s'agit de poursuivre l'immense jeu de Monopoly spéculatif qui n'a strictement rien à voir avec le service public, ni en France, ni ailleurs.

Proglio a la réputation d'être un « industriel » et en même temps d'être capable de négocier de temps à autre avec les syndicats. Il n'en fallait apparemment pas davantage pour qu'il soit plutôt bien accueilli par les dirigeants des confédérations syndicales, qui espèrent que le nouveau président d'EDF va modérer les demandes de sanctions (240 procédures disciplinaires sont en cours à la suite des grèves et manifestations du printemps) et qu'il aura des « ambitions industrielles » auxquelles les salariés pourraient être « le plus possible associés » (selon un dirigeant CFDT). Reste cependant à savoir comment et à quelle sauce !