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Dans les entreprises
France Télécom : La lutte contre les suppressions d'emplois pourrait devenir à la mode
Parmi les travailleurs de France Télécom, les discussions vont bon train sur les responsabilités de l'encadrement et de la direction dans les suicides.
La pause gênée et le ton humble du PDG Lombard lors de son intervention télévisée du 15 septembre sont apparus à beaucoup pour ce qu'ils étaient, de l'hypocrisie, car quand il a parlé de suicides comme « une mode », son naturel sans doute a refait surface et cela a choqué. Outre le mépris, c'était une façon de gommer ses propres responsabilités. Les excuses emberlificotées qu'il a exprimées ensuite n'ont pas arrangé les choses, d'autant que dans un mail au personnel, il s'est montré préoccupé des conséquences pour « l'image du groupe » France Télécom. Que diable les salariés qui ont mis fin à leurs jours n'y avaient-ils pas pensé ! Il est vrai que de voir apparaître dans les médias un petit peu de ce qui fait le quotidien des travailleurs, cela peut donner des boutons à un PDG.
Les travailleurs qui ont encore un métier technique sur le réseau sont de plus en plus livrés à eux-mêmes sur des secteurs d'intervention de plus en plus vastes. Quant à ceux qui ont dû basculer dans les plates-formes d'appels, ils sont soumis aux rendements éprouvants de ce genre de travail, que subissent déjà les opérateurs et qui ont nombre de points communs avec ceux qui sont imposés dans l'industrie : pressions permanentes sur le rythme, chronométrages, temps pour aller aux toilettes, écoutes des communications, etc. Depuis des années, la détérioration des conditions de travail est devenue le lot commun et aujourd'hui, elle est mise en question sur la place publique.
La direction botte en touche en évoquant une politique de « prévention » des suicides. C'est une façon de se dédouaner des actes de désespoir qui pourraient survenir, tout en continuant les suppressions d'emplois pour pouvoir continuer à verser des dividendes substantiels aux actionnaires. Dans les discussions, l'annonce du renforcement du service des « ressources humaines » par une centaine de collaborateurs supplémentaires est mise en balance avec les 22 000 emplois que France Télécom a supprimés en France en trois ans.
Les directions syndicales, il est vrai, se félicitent des « chantiers » de négociations ouverts par la direction, mais il n'est pas sûr que les militants et les travailleurs de plus en plus méfiants face aux discours de la direction partagent le même enthousiasme. Tout ce qui vient d'elle est de plus en plus suspect, il faut dire que les travailleurs en contact avec le public ont reçu des suggestions de réponses rassurantes à donner aux clients qui les interrogent sur l'ambiance à France Télécom... Autre exemple, dans un service parisien où les cadres sont majoritaires, l'arrivée du magazine de la direction qui passe d'habitude inaperçue a choqué cette fois car les photos où l'on voit des employés tout souriants de travailler à France Télécom ne correspondent vraiment pas à la réalité qu'ils sont en train de vivre.
La situation à France Télécom n'est pas si différente que cela de celles des travailleurs de l'automobile ou du bâtiment. L'idée qu'il faudra que la crainte change de camp, que les 100 000 travailleurs de France Télécom constituent une force pour refuser collectivement de faire les frais de la rentabilité financière n'est aujourd'hui partagée que par une minorité. Mais elle pourrait faire son chemin dans une situation où les conséquences de la recherche du profit apparaissent de façon aussi crue.
Correspondant LO