France Télécom : Après de nouveaux suicides, la lutte contre la politique de la direction s'impose09/09/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/09/une2145.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

France Télécom : Après de nouveaux suicides, la lutte contre la politique de la direction s'impose

À la suite de quatre nouveaux suicides de travailleurs de France Télécom cet été - ce qui porte leur nombre à au moins vingt en dix-huit mois -, les syndicats organisent le 10 septembre une journée d'action avec des manifestations régionales.

Ce jour-là, la direction a convoqué un CHS-CT (comité hygiène et sécurité - conditions de travail) pour faire croire qu'elle se soucie de ces drames à répétition, notamment à travers une « commission antistress ». En réalité, elle met des bâtons dans les roues aux militants syndicaux qui tentent de mettre un frein aux pressions permanentes sur le personnel. C'est le cas de représentants des salariés aux CHS-CT des unités locales quand ils demandent des expertises par des cabinets extérieurs à l'entreprise afin que les risques de santé soient pris en compte dans les restructurations, calamiteuses pour les conditions de travail et pour l'éloignement du domicile. La direction n'hésite pas alors à s'adresser aux tribunaux de grande instance pour leur demander de bloquer ces expertises. Elle a aussi refusé de considérer comme accidents de travail des malaises survenus sur le lieu du travail au moment des annonces de la suppression de services ou de mobilités imposées, passant outre l'avis d'inspecteurs du travail ou de la Caisse régionale de l'assurance maladie.

Cependant, la direction ne parvient pas toujours à ses fins. Ainsi, le 31 juillet dernier à Morlaix, après plus de deux ans de conflit avec grèves et manifestations, c'est France Télécom qui a renoncé à muter les 28 travailleurs du pôle d'assistance technique à Brest.

Reste que les restructurations s'inscrivent dans une politique que France Télécom mène depuis sa transformation en société anonyme en 1996. Elle est parvenue à réduire les effectifs de 160 000 salariés à 100 000, bien que plus des deux tiers du personnel aient le statut de fonctionnaires qui, en théorie, les protège contre les licenciements. Après plusieurs plans de départ en préretraite entre 1995 et fin 2005, France Télécom en est venue aux pressions pour que certains quittent « volontairement » l'entreprise. Ils ont en principe la possibilité de trouver un autre emploi dans la fonction publique, les directions départementales de l'équipement par exemple, mais celles-ci sont aussi en pleine réorganisation avec réduction d'effectifs...

S'accrocher à son emploi n'est pas non plus évident, car cela signifie endurer la suppression de sites dans de nombreuses villes de province avec des kilomètres à avaler chaque jour ou un déménagement à la clé. Il n'y a souvent pas d'autre choix que de changer complètement d'activité, par exemple pour des techniciens obligés de rejoindre des centres d'appels ou bien de s'investir dans des activités commerciales où les anciens sont mis en concurrence avec des jeunes en contrat précaire. L'ensemble des salariés est visé, y compris les cadres qui se voient fixer des objectifs de plus en plus souvent hors de portée. Que certains craquent n'est donc pas le fait du hasard.

France Télécom ne pouvait plus passer sous silence la fréquence des suicides, les témoignages des collègues touchés par les drames, le contenu de plusieurs lettres d'adieu mettant en cause les conditions de travail. La direction a donc changé son fusil d'épaule. Les personnes fragiles ? Elle dit s'en occuper. La hiérarchie est désormais formée « à la détection des signaux faibles », indices laissant soupçonner qu'un salarié se trouve en difficulté individuelle. Dans ce cas, il est orienté vers des « espaces d'écoute et d'accompagnement ».

Mais la direction ne veut pas entendre parler de prise en compte collective des problèmes, préférant bien entendu insister sur la composante individuelle d'un suicide. Or, la politique de France Télécom favorise évidemment les actes de désespoir. Cette politique pourrait aussi provoquer des retours de bâton, bien au-delà d'une journée pour marquer son émotion ou son indignation face aux suicides découlant des conditions de travail que vivent une centaine de milliers de personnes. C'est en tout cas ce qui est à souhaiter face à une direction de combat qui, pour tenir son rang au sein des entreprises cotées en Bourse, joue avec les nerfs et parfois avec la peau des travailleurs.

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