Justice : Un pas vers la suppression des juges d'instruction02/09/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/09/une2144.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Justice : Un pas vers la suppression des juges d'instruction

La commission Léger, mise en place il y a près d'un an par Rachida Dati, alors ministre de la Justice, vient de rendre son rapport à Sarkozy. Cette remise, prévue en juin, avant les élections européennes, s'était opportunément trouvée différée.

Entre autres « réformes » du système judiciaire, le rapport préconise d'introduire en cour d'assises le « plaider coupable », mesure écourtant le procès et ouvrant la voie à une peine minorée qui n'existe pour l'instant qu'en correctionnelle. Cette mesure ne concernerait pas les crimes les plus graves, notamment lorsque la prison à vie est encourue et aurait soi-disant pour effet de désengorger les tribunaux. Il ne s'agirait en réalité, selon une magistrate de l'Union syndicale des magistrats, que d'une procédure expéditive, « une étape supplémentaire vers l'instauration d'une justice à deux vitesses : les esprits "les plus faibles" et les plus modestes préféreront se reconnaître coupables plutôt que de se défendre. Et seuls les prévenus ayant les moyens de se payer un bon avocat pourront faire valoir leurs droits ».

Et surtout, le rapport préconise de supprimer le juge d'instruction, en principe indépendant du pouvoir, et de confier purement et simplement les enquêtes aux magistrats du parquet, aux procureurs, dont le supérieur hiérarchique est... le ministre de la Justice. Grosse différence : le parquet peut décider de poursuivre ou de classer une affaire, contrairement au juge d'instruction, censé déclencher systématiquement une enquête après plainte dans les affaires graves, crimes et délits, jusqu'au non-lieu, au procès ou... jusqu'à être dessaisi de l'affaire s'il gratte là où ça gêne trop du côté du pouvoir. Il s'agirait, selon l'ex-juge d'instruction Eva Joly, de « supprimer un contre-pouvoir » et même de « mettre la justice entre les mains du pouvoir », la « réforme » ayant d'ailleurs été annoncée, par le président, remarque-t-elle, au moment où les juges d'instruction enquêtaient justement sur les « biens mal acquis », les propriétés parisiennes des présidents africains amis de l'Élysée.

Certes, 95 % des dossiers pénaux seraient déjà traités sans instruction. Mais dans les 5 % restants, on trouve aussi bien l'affaire Elf, que la convocation de Chirac dans l'affaire des HLM de la Ville de Paris ou les caisses noires de l'UIMM, le syndicat patronal de la métallurgie. Il deviendrait plus commode d'enterrer les dossiers de corruption comme ceux visant les amis du pouvoir. Et, même sans avoir d'illusions sur une véritable « indépendance » de la justice dans cette société de classes, on comprend sans peine l'intérêt que trouveraient Sarkozy et les siens à faire voter cette modification d'importance, actuellement préparée par une commission où siège, comme par hasard, l'avocat personnel du président de la République.

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