Derrière les traders dont on nous parle beaucoup, les actionnaires dont on ne nous dit rien !12/08/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/08/une2141.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Derrière les traders dont on nous parle beaucoup, les actionnaires dont on ne nous dit rien !

Le fait que la BNP Paribas, après avoir reçu 5,1 milliards d'euros de l'État lors de la crise bancaire de 2008, vienne de provisionner un milliard d'euros pour financer les bonus de ses traders, a fait quelque bruit.

Certains médias ont même affirmé que ces bonus concernaient tous les commerciaux de la BNP, voire tous ses employés, alors qu'il n'en est manifestement rien. L'immense majorité des salariés ne touchera pas un fifrelin sur cette somme, et c'est seulement ceux qui jouent en Bourse pour le compte de la banque qui en seront les bénéficiaires.

Les critiques - le plus souvent hypocrites - concernant ce milliard provisionné pour les traders de la BNP, ne sont pas seulement venues de l'opposition parlementaire, mais aussi des rangs de la majorité et du gouvernement, gêné par les répercussions que cela pourrait avoir dans l'opinion publique. Vendredi, les représentants des grandes banques françaises ont été convoqués à Matignon pour une réunion « technique » à l'issue de laquelle les banquiers se seraient engagés à se « conformer strictement » aux règles de moralité avancées par Sarkozy en ce qui concerne la rémunération des opérateurs de marché. Sauf que les banquiers affirment par ailleurs que c'est ce qu'ils font déjà, et à juste titre, en ce sens que Sarkozy parle beaucoup de « moraliser » le système capitaliste, mais ne fait évidemment rien qui puisse contrarier ses amis industriels et banquiers.

Mais ce problème de la rémunération des traders est l'arbre destiné à cacher au public la forêt peuplée de brigands du système capitaliste. Ce ne sont pas les traders qui sont à l'origine de la crise bancaire et de la récession économique qui l'a suivie, c'est la soif de profit des industriels et des banquiers qui, plutôt que de développer les investissements productifs, ont cherché des profits plus immédiats et plus importants dans la spéculation financière. Les traders ne sont que les mercenaires de ce système. Des mercenaires grassement payés, certes, mais pas les principaux bénéficiaires. Des mercenaires sur qui on peut crier haro, pour éviter d'évoquer justement les plus gros bénéficiaires du système.

Car si on nous a longuement parlé des traders, si de la gauche parlementaire à la droite tout le monde s'est indigné du montant de leurs revenus, personne, ni à l'UMP, ni au Parti Socialiste, n'a évoqué la responsabilité des gros actionnaires de ces banques. Personne n'a demandé quelle part des aides gouvernementales aux banques filerait directement dans leurs coffres sous forme de dividendes.

C'est pourtant pour ces gens-là que travaillent les traders. Ce sont ces gens-là, dans les conseils d'administration des banques, qui fixent les rémunérations des traders. Et s'ils leur accordent de gros bonus, c'est qu'ils y gagnent encore bien plus. Les capitalistes ne font jamais de cadeaux, pas même à leurs mercenaires de la finance.

Ni les dirigeants de l'UMP ni ceux du Parti Socialiste ne peuvent ignorer cela. Mais eux aussi, cyniquement pour les premiers, hypocritement pour les seconds, sont au service des capitalistes. Comme il leur faut bien dire quelque chose sur la catastrophe économique qui enfonce progressivement les classes laborieuses dans la pauvreté et la misère, les uns parlent de « moraliser » le capitalisme, les autres de le « réguler ». Mais ni les uns ni les autres ne sont prêts à rendre public tout ce qu'on nous cache sur la gestion des entreprises, sur le montant des dividendes versés à des gens qui sont déjà milliardaires, sur ce qu'ils en font. Le secret bancaire, le secret commercial, le secret industriel, ne sont au contraire là que pour empêcher la population de savoir d'où vient l'argent et où il va.

À nous de ne pas nous contenter des bonnes paroles des uns et des autres, et d'exiger dans les luttes qui éclateront demain - parce que nous n'aurons pas d'autre choix - l'abolition de toutes ces lois qui organisent l'opacité sur les finances des capitalistes, et la libre circulation de toutes les informations les concernant, mesures indispensables pour permettre aux travailleurs de contrôler l'économie.

Éditorial des bulletins d'entreprise du 11 août

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