Tour de France cycliste : L'or du maillot pour le vainqueur, l'argent pour les organisateurs29/07/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/07/une2139.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Tour de France cycliste : L'or du maillot pour le vainqueur, l'argent pour les organisateurs

En dépit des innombrables affaires de dopage qui ont marqué le Tour de France depuis une dizaine d'années, l'édition 2009 a été un incontestable succès populaire. Sans doute parce que le grand public, même s'il sait que tous les coureurs ne marchent pas qu'à l'eau pure, est admiratif devant des performances que tout un chacun serait bien incapable d'égaler, dopé ou pas. Mais aussi parce que les organisateurs ont su, avec le retour dans la course d'Armstrong, créer le suspense.

Ce retour a été sollicité et mis en scène par les organisateurs qu'inquiétait une certaine érosion des audiences télé du Tour (quelque 3 millions de téléspectateurs en 2008, contre 5 millions dix ans plus tôt) et surtout de la baisse de recettes que cela impliquait. Recordman des victoires avec sept tours de France entre 1999 et 2005, Armstrong sentait pourtant le soufre. Ses succès paraissaient suspects, les témoignages se multipliant contre lui et en 2005, six échantillons d'urine prélevés en 1999 - quand il a gagné son premier Tour de France - avaient été dépistés positifs à l'EPO.

Depuis des années, les organisateurs de la grande boucle se sont tournés en particulier vers la publicité extra-sportive. L'apparition des sponsors, des équipes de marques, transformant les coureurs en hommes-sandwichs (ce qui n'empêche nullement les commentateurs de s'enflammer pour les performances des « Français »), a changé la physionomie du Tour, d'autant qu'au fil des années la place accordée au Tour par la télévision - et l'impact de la publicité qu'il véhiculait - a augmenté considérablement, jusqu'à l'apparition de la retransmission intégrale des étapes en direct, en 1990.

Aujourd'hui, le Tour de France est une entreprise appartenant à Amaury Sport Organisation (ASO), qui organise d'autres courses cyclistes, ainsi que le rallye Dakar ou le marathon de Paris. ASO est la filiale-reine du groupe Amaury (L'Équipe, Le Parisien, Aujourd'hui en France, France Football, etc.), dirigée par Marie-Odile Amaury, classée 166e fortune de France. Le Tour de France est une très bonne affaire : avec un de taux de profit de 20 % en moyenne, il constitue l'essentiel des revenus d'ASO, lequel rapporte à Amaury deux tiers de ses bénéfices.

Après les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football, le Tour de France est l'épreuve la plus regardée au monde, dans 166 pays. Les communes se bousculent pour accueillir le départ ou l'arrivée d'une étape du Tour (commerce local oblige), facturés au prix fort. Quant à la caravane du Tour, c'est une véritable foire commerciale, ou chaque entreprise paye là aussi sa place. Sans parler de ce que versent les entreprises qui financent une équipe (Cofidis, Astana, Caisse d'Épargne, etc.), les sponsors dont le logo figurent sur les maillots des coureurs, sur les podiums, etc.

On comprend que la taille des enjeux financiers ait été un sérieux encouragement au dopage, même si celui-ci n'est manifestement pas une exclusivité du cyclisme. Le fait que les tests réalisés pendant la course soient négatifs ne prouve en outre rien : beaucoup de coureurs convaincus de dopage l'ont été non par des tests, car le dopage et les produits écrans gardent une longueur d'avance sur les techniques de détection, mais par les témoignages d'autres cyclistes, par des aveux, voire par des enquêtes de police sur de vastes trafics de produits dopants, comme l'affaire Festina en 1998 ou l'affaire Puerto en 2006. Mais même s'ils sont parfois demandeurs de produits dopants, les coureurs cyclistes en sont évidemment d'abord les victimes. On se souvient de la mort de Tom Simpson tué en 1967 par les amphétamines sur les pentes du mont Ventoux. Mais bien d'autres aussi ont certainement eu leur vie écourtée par les conséquences du dopage.

Derrière la grande fête populaire, qui draine des dizaines de milliers de spectateurs enthousiastes, se cachent des enjeux commerciaux et financiers qui puent l'argent, et sentent même quelquefois la mort.

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