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Leur société
Plus de quatre millions de chômeurs : L'art d'accommoder les chiffres
Présentés par certains comme « la bonne surprise de l'été » et même « un signe encourageant », les chiffres du chômage récemment publiés pour le mois de juin ne peuvent réjouir que la ministre de l'Économie, et encore.
Si le nombre des chômeurs a diminué de 0,7 % entre la fin mai et la fin juin, il n'est pas besoin d'aller bien loin dans la lecture des statistiques officielles pour voir la catastrophe contenue derrière les pourcentages. Après onze hausses mensuelles consécutives, le chômage aurait donc légèrement reculé en juin. Mais, sur l'ensemble de l'année, ce chiffre qui ne concerne que la catégorie A - les chômeurs inscrits à Pôle Emploi et totalement privés d'activité salariée - a augmenté de 25 %, et même de 35 % en ce qui concerne les 18-24 ans ! Cette seule catégorie, dans la seule métropole, représente tout de même fin juin plus de deux millions et demi de travailleurs sans emploi.
Les statistiques ont ceci de pratique qu'un ministre peut les saucissonner pour faire apparaître ce qui l'avantage : en effet en ajoutant les autres catégories, ce n'est pas d'une baisse qu'il s'agit, mais d'une hausse de 0,3 % : avec 9 200 inscrits supplémentaires en juin, le total des catégories A, B et C atteint 3 850 500 chômeurs, en incluant les départements d'outre-mer. Total auquel il faut ajouter les 463 000 inscrits des catégories D et E, non immédiatement disponibles ou momentanément employés, et bien sûr, tous ceux qui, n'en pouvant plus de chercher sans trouver, se démoralisent, ne répondent plus aux convocations ou ne s'inscrivent pas.
C'est d'ailleurs une des causes de la baisse trompeuse des statistiques de juin : les « cessations d'inscription pour défaut d'actualisation », autrement dit les radiations pour non-réponse, ont, elles, augmenté de 19,3 %, concernant en juin 206 000 personnes, 33 300 de plus qu'en mai, dont il est peu probable que beaucoup aient retrouvé un emploi !
Car les offres collectées par Pôle Emploi, pour ne prendre que deux exemples, ont baissé de 16 % en un an dans la région Nord-Pas-de-Calais et de 22 % en Haute-Normandie. Quant aux annonces de suppressions d'emplois, elles continuent, ignorant l'été : d'Alcatel-Lucent au Club Med, en passant par l'équipementier automobile Leoni dans les Yvelines et la Côte-d'Or, ATB Selni à Nevers et Madrange en Haute-Vienne, ce sont à nouveau des dizaines ou des centaines d'emplois qui disparaissent.
Il n'est donc pas étonnant que les nouveaux inscrits se comptent chaque mois par dizaines de milliers et que les chômeurs de longue durée - inscrits depuis plus d'un an - soient, avec un total de 1,2 million, en augmentation.
Pendant que les donneurs d'ordre et les sous-traitants fabriquent presque chaque jour de nouveaux chômeurs, l'État fait d'ailleurs de même en supprimant des postes dans les services publics. C'est donc aux travailleurs, chômeurs et retraités qu'il incombe de demander des comptes à tous ces parasites que sont les patrons, les banquiers et les gouvernants à leur service.