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- Lutte ouvrière n°2137
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Editorial
14 juillet : C'est nous qui sommes de la revue
À en croire ceux qui avaient à charge de commenter le défilé du 14 juillet, l'anniversaire de la prise de la Bastille ne serait pas seulement la fête nationale, mais aussi « la fête de l'armée ». Pourtant, quand le peuple de Paris, le 14 juillet 1789 s'est emparé des armes qui étaient stockées aux Invalides et à la Bastille, c'était justement pour pouvoir résister aux troupes de la monarchie.
Mais il est vrai aussi que depuis que le 14 juillet a été érigé en fête nationale, il y a 120 ans, le défilé militaire et le culte de l'armée ont toujours été au centre des cérémonies. Cette année n'a pas fait exception à la règle. Le gouvernement a exhibé sur les Champs-Élysées ce qui se fait de mieux en engins de mort. C'est une bonne publicité pour les marchands de canons et d'avions.
En cette période de crise, il n'a pas lésiné sur la dépense. C'est dans la logique de sa politique. Faute de crédits, et donc de personnel et de moyens, le système hospitalier se dégrade chaque jour davantage. La Sécurité sociale remplit de moins en moins son rôle. Les glorieux pourcentages de réussite affichés au baccalauréat ne peuvent faire oublier qu'on supprime à tour de bras des postes dans l'enseignement. Tous les services publics vont à vau-l'eau. Pour justifier ces restrictions budgétaires le gouvernement ne nous parle que d'économies nécessaires. Mais le budget de l'armée pour 2009 est supérieur de 5,4 % à celui de l'année précédente.
On nous dit que c'est pour la « défense nationale ». Mais qu'est-ce qu'il y a derrière ce grand mot ? À quoi l'armée française a-t-elle servi depuis 1945 ? À livrer pendant six ans, de 1946 à 1953, une guerre sans merci au peuple vietnamien qui luttait pour son indépendance. Puis pendant huit ans, de 1954 à 1962, une guerre non moins impitoyable au peuple algérien. Villages bombardés, brûlés au napalm, exécutions sommaires, torture institutionnalisée, voilà durant cette période les hauts faits d'armes de cette armée qu'on fait parader tous les quatorze juillet sur les Champs-Elysées.
Loin d'avoir été la garante des libertés publiques, l'armée française a été une armée de coup d'État. En 1958 elle a imposé, par le chantage au débarquement des parachutistes à Paris, le retour au pouvoir de De Gaulle. Trois ans plus tard, le « putsch des généraux » a essayé de mettre en place un régime encore plus réactionnaire.
Et à quoi a-t-elle servi, cette armée, depuis la fin de l'ère coloniale ? À intervenir à de multiples reprises au Cameroun, au Gabon, au Tchad, au Congo, etc. pour maintenir en place des dictatures à l'ombre desquelles les grandes sociétés françaises continuent à exploiter ces pays sans vergogne. Ou à former les futurs auteurs du génocide rwandais.
Aujourd'hui, que font les militaires français engagés en Afghanistan ? Ils défendent un régime corrompu, qui ne respecte guère plus les droits des femmes que les talibans qu'il est censé combattre. Et chacune des interventions des troupes occidentales qui sont présentes là-bas, et des « dommages collatéraux » qui les accompagnent (c'est-à-dire des non-combattants, hommes, femmes et enfants tués dans ces opérations) ne fait que jeter un peu plus la population afghane dans les bras des talibans.
Pour beaucoup le défilé du quatorze juillet est un spectacle. C'en est un, c'est vrai, et bien organisé. En plus d'une touche de folklore, indien cette année, on y fait défiler ensemble des gens qui ont droit à la sympathie du public, comme les sapeurs-pompiers ou la protection civile, et des gens plus inquiétants, comme ces baroudeurs professionnels qui ne sont pas regardants sur qui se trouve au bout de leur ligne de mire.
Le spectacle est peut-être beau. Mais c'est celui d'un instrument d'oppression des peuples, de tous ceux que l'impérialisme français exploite aux quatre coins du monde. Et du nôtre, si nous n'y prenons garde.
Éditorial des bulletins d'entreprise du 14 juillet