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Leur société
Prix du lait : Les éleveurs en colère
Mardi 19 mai, les producteurs de lait ont manifesté contre la baisse, de 30 % sur un an, du prix auquel les industriels leur achètent leur production. Le gouvernement a annoncé, pour désamorcer le mouvement, une « mission de médiation entre producteurs, coopératives et industriels », tout en invoquant pêle-mêle la crise et les directives contraignantes de Bruxelles. Autant dire qu'il a tenu le discours habituel pour avoir l'air de faire quelque chose face à la vigueur des protestations.
Pendant une semaine en effet, les éleveurs ont protesté dans tout le pays, et en particulier dans le nord et l'ouest de la France. Ils se sont fait entendre, à grand renfort de convois de tracteurs, de camions de lisier déversés devant les Préfectures ou l'hôtel de ville, comme à Cambrai, ou de barrages de pneus comme à Béthune ; à Nantes, trois cents producteurs ont réveillé le préfet à cinq heures du matin ; dans plusieurs régions, ils ont bloqué des laiteries industrielles (Danone, Gillot, Senoble...) et les centrales d'achat de la grande distribution. Ils ont aussi intercepté des camions sur des parkings et distribué leur chargement de fromages aux automobilistes, comme dans la Manche, près de Saint-Lô. On leur a répondu par quelques bonnes paroles et par l'envoi de CRS, comme à Arras où pas moins de treize cars ont suivi la manifestation !
Les producteurs réclament un prix du lait qui leur permette de vivre. Car comme le déclarait un manifestant du Nord : « En mai 2008, je touchais 320 euros pour 1 000 litres de lait. Aujourd'hui, je ne perçois plus que 220 euros. » C'est une baisse jamais vue depuis 1984.
Le gouvernement et les industriels invoquent le retournement du marché. En 2008, les 90 000 éleveurs ont été incités à produire plus car on manquait de lait ; maintenant il y a des excédents et de plus, avec la crise, on en vend moins. Mais le gouvernement a aussi changé la donne. Depuis mai 2008, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a rappelé que les prix ne devaient plus être fixés, comme auparavant, par une entente entre les producteurs et les industriels qui leur achètent leur lait. C'est une aubaine pour ces industriels qui en ont profité pour fixer les prix les plus bas possible ; et bien sûr, le fait qu'ils proposent tous le même prix du litre de lait ne peut en aucun cas être considéré comme le résultat d'une entente ou une entorse à la concurrence !
La liberté du marché écrase les petits producteurs sous la forme de ce diktat imposé par Danone, Lactalis, Entremont et autres grands trusts, sans compter les géants de la distribution, auxquels le gouvernement n'a rien à refuser. Les défenseurs du système prétendent que les éleveurs en ont profité quand les prix étaient plus hauts. Sauf que l'augmentation des prix en 2008 leur avait à peine permis de retrouver le niveau des prix de 2001 et des milliers d'entre eux avaient été contraints, dans l'intervalle, de liquider leur exploitation.
Quant aux consommateurs, ils n'ont jamais vu le résultat de ces fluctuations du marché puisque le litre de lait acheté 20 centimes au producteur leur est vendu 86 centimes, et souvent plus, en grandes surfaces !