Trop cher l'enfouissement des lignes électriques ?28/01/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/01/une2113.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Trop cher l'enfouissement des lignes électriques ?

La récente tempête ayant privé plus d'un million d'usagers de courant électrique durant plusieurs jours, la question de l'enfouissement du réseau électrique est à nouveau posée, même s'il n'est pas techniquement possible partout.

Le directeur adjoint d'ERDF (le réseau de distribution basse et moyenne tension, filiale d'EDF) a déclaré qu'il en coûterait 100 milliards d'euros pour enterrer l'ensemble du réseau, chiffre repris par Sarkozy et considéré comme prohibitif. Mais d'où sort ce chiffre ?

En août-septembre 2002, il y a six ans, dans un document d'EDF publié à l'occasion du « sommet pour la Terre » de Johannesburg, on pouvait lire que « le passage en souterrain de l'ensemble du réseau de distribution dont EDF est concessionnaire est estimé à environ 61 milliards d'euros ». Certes depuis il y a eu de l'inflation, mais 40 % de plus en six ans, cela fait tout de même beaucoup !

Le même directeur-adjoint d'ERDF explique que chaque année 95 % des lignes nouvelles sont enterrées. C'est que enterrer une ligne ne coûte en général qu'environ 2 ou 3 fois plus que la réaliser en aérien. EDF et ERDF se sont donc résigné à la dépense dans ce cas-là.

Le problème, ce sont ces 669 000 kilomètres de lignes existantes en basse tension et les 600 000 kilomètres en moyenne tension (alors que pour la haute et très haute tension l'enfouissement est techniquement plus compliqué). Pour ces lignes existantes, il y aurait de 3 à 5 000 kilomètres enterrés chaque année. À ce rythme il faudrait entre 240 et 400 ans pour tout enterrer ! En outre les pylônes des lignes haute tension n'ont pas été renforcés. Ils se sont donc écroulés à chaque tempête, en Bretagne en 1987, dans tout le pays en 1999 et dans le Sud-Ouest maintenant.

Le directeur-adjoint fait état de 500 millions d'euros consacrés, en 2008, à la qualité du réseau, dont l'enfouissement. Et il promet 20 % de plus en 2009 et 40 % de plus en 2010. En tout il parle de 2 milliards d'euros prévus pour cette tâche en trois ans.

Cela paraît beaucoup mais il faut savoir qu'EDF verse à l'État non seulement des impôts, mais des dividendes, puisque l'État est de très loin le principal actionnaire. En 2007, EDF a versé pour 2,11 milliards d'euros de dividendes et en 2008 pour 2,33 milliards d'euros, soit 4,44 milliards rien qu'en deux ans. Cet argent a servi a équilibrer le budget de l'État, ou plus exactement a aidé à le déséquilibrer au profit des banquiers et autres patrons. C'est donc, en deux ans, deux fois plus que les dépenses prévues sur trois ans pour enterrer les lignes. Sans compter quelques centaines de millions pour les gros actionnaires en dehors de l'État.

Il aurait mieux valu se servir de cet argent pour améliorer le réseau. De même que les 18,5 milliards qui se sont envolés récemment quand EDF a acheté British Energy en Grande-Bretagne et Constellation aux États-Unis. Et ce ne sont ni les seuls ni les derniers achats spéculatifs d'EDF.

Finalement quand ont met bout à bout tous ces milliards, on se rend compte que, si on est encore loin des 100 milliards (ou 61 ?) demandés, il serait possible d'en avoir une bonne partie pour sécuriser les portions les plus fragiles du réseau et progressivement le reste.

Seulement, ce n'est pas l'intention des dirigeants d'EDF ni de l'État. Tout pour la spéculation !

Quitte à devoir reconstruire tous les dix ans la partie du réseau qui s'écroulera sous le coup des prochaines tempêtes ou d'autres catastrophes. Tant pis pour les usagers !

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