Grande-Bretagne : Le troisième plan d'aide aux banques et la farce des bonus28/01/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/01/une2113.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Le troisième plan d'aide aux banques et la farce des bonus

On cite beaucoup en exemple le gouvernement britannique pour la « fermeté » dont il ferait preuve en interdisant aux banquiers auxquels il vient en aide de s'octroyer des bonus astronomiques. Mais la réalité est quelque peu différente.

Cette prétendue « fermeté » fait suite au 3e plan bancaire annoncé le 18 janvier par le gouvernement travailliste de Gordon Brown après une semaine marquée par une nouvelle chute du cours des actions bancaires, de 26 % à 77 % pour les cinq grandes banques britanniques. Au total leurs actions auront perdu au moins 60 % de leur valeur en un an, et plus de 90 % pour trois d'entre elles.

Dans le cadre de ce 3e plan, non seulement l'État rachètera une partie des titres « pourris » des banques, mais il leur remboursera leurs prêts actuels et futurs au cas où les emprunteurs ne pourraient pas payer leurs dettes. Bien sûr, Brown s'est empressé de préciser que seuls seront ainsi garantis des prêts aux grandes entreprises. Tant pis pour les familles menacées d'expulsion du fait du chômage ! Contrairement au grand patronat, elles n'auront pas accès aux fonds publics.

Le montant total de cette nouvelle manne mise à la disposition des fauteurs de crise - estimé à 100 milliards de livres - a d'autant plus choqué l'opinion britannique qu'elle vient s'ajouter aux sommes colossales déjà gaspillées pour colmater les brèches du grand capital, pour un montant supérieur au budget annuel de l'État, et cela en pure perte puisque le crédit aux ménages reste inaccessible ou hors de prix pour la majorité.

Du coup, Brown et ses ministres se sont sentis tenus de monter au créneau, comme ils l'avaient d'ailleurs fait lors de leur 2e plan bancaire en octobre dernier, en vitupérant les banquiers et leurs énormes bonus. Et d'ajouter, comme alors, que jamais, au grand jamais, l'État ne donnera son aide aux banquiers qui refuseraient de se serrer au moins un peu la ceinture. On a vu l'efficacité de ces menaces au cours des trois derniers mois : nulle. Et pour cause, puisqu'elles sont restées du domaine de la rhétorique.

Il n'est certes pas impossible que les dirigeants des banques choisissent de renoncer à leurs bonus, pas du fait des menaces de Brown, mais pour désamorcer de possibles « révoltes » d'actionnaires dépités. Certains l'ont d'ailleurs déjà fait.

Mais la disparition des bonus n'implique pas pour autant un manque à gagner pour des hommes rompus aux astuces financières. Les dirigeants des banques anglaises ont des canaux plus discrets pour gonfler leur part des profits. Le plus important passe par les contributions des entreprises aux fonds de retraite des intéressés. Il n'est pas rare que ces contributions augmentent leurs émoluments de 60 %, et encore n'ont-ils à payer d'impôt sur ces sommes qu'au-delà de 300 000 euros par an (grâce à un cadeau de Brown !). Non seulement vingt ans de contributions suffisent à ces pauvres gens pour prendre leur retraite à taux plein, mais leur montant annuel, qui est protégé des soubresauts boursiers, atteint souvent le million d'euros !

Brown s'est bien gardé de dénoncer ce scandale des retraites des PDG. Un scandale d'autant plus choquant alors que les grandes entreprises tirent prétexte de la crise pour fermer brutalement les fonds de pension de leurs salariés et les remplacer par des systèmes dans lesquels les patrons paient moitié moins, tandis que les salariés paient plus pour des retraites moindres.

Fait significatif, pour « mettre au pas les banquiers », Brown a nommé l'un d'entre eux comme « ministre de la City ». Il s'agit de lord Myners, ex-PDG de nombreuses entreprises, en particulier dans la banque et l'immobilier. Il est vrai que Myners a été le seul à parler de sanctions contre les fauteurs de bonus. Mais quelles « sanctions » ! Rien moins que de les priver des titres honorifiques attribués par la reine. Venant de l'un de leurs pairs, voilà qui va terrifier les barons de la finance !

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