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Leur société
Mayotte - Centre de rétention - "Est-ce ainsi que des hommes vivent"...
Le centre de rétention de Mayotte a eu les honneurs de la presse avec la diffusion, par le site Internet du journal Libération, d'une vidéo dénonçant les scandaleuses conditions de détention qui y sont pratiquées.
Le reportage, dont des images ont été également diffusées par plusieurs chaînes de télévision, a été tourné en octobre par des membres de la Police aux Frontières eux-mêmes excédés par les conditions d'hébergement qui sont imposées aux " clandestins " avant leur expulsion vers les autres îles des Comores. " Je n'ai pas fait ce boulot pour traiter ainsi les gens. Ce que je vois à Mayotte, je ne l'ai vu nulle part ailleurs ", témoigne un des policiers. Et de fait, les images sont terribles.
On y voit derrière une grille des corps entassés de femmes, de mères et de bébés. Derrière une autre grille on voit d'autres corps d'hommes pareillement enchevêtrés. Il y avait 202 personnes lorsque les images ont été tournées, alors que le centre est prévu pour 60 personnes. Et l'on compte parfois jusqu'à 220 personnes, indiquait en avril dernier une mission du Sénat qui avait déjà dénoncé les conditions inhumaines du centre de Pamandzi : il n'y a que soixante matelas, et encore depuis peu, quatre douches communes aux hommes et aux femmes, pas de toilettes réservées aux femmes et aux enfants.
La surpopulation du centre témoigne en fait de l'ampleur de la chasse aux sans-papiers pratiquée dans l'île de Mayotte. Ces sans-papiers, ces " clandestins ", sont les habitants des îles voisines, souvent membres de familles auxquelles sont aussi rattachés des Mahorais. Ils viennent à Mayotte pour voir leurs proches, mais aussi bien sûr pour se soigner et dans l'espoir de trouver un travail qui leur permette de vivre. La chasse aux sans-papiers est d'une telle ampleur qu'en 2007, plus de 16 000 d'entre eux ont été refoulés de Mayotte après être passés dans le centre de Pamandzi. C'est là un chiffre considérable puisqu'il totalise plus de la moitié des expulsions réalisées par la France (27 000).
Depuis 1999 il est question de reconstruire le centre. Yves Jégo, le secrétaire d'État à l'Outre-mer l'a promis une nouvelle fois, mais pas avant 2010. En revanche, le même Jégo ne s'est pas gêné pour accuser les gouvernants de l'Union des Comores d'être responsables de l'émigration clandestine des Comoriens vers Mayotte et des morts qu'elle occasionne au cours des fréquents naufrages des frêles embarcations où prennent place les émigrants. Mais ne serait-ce pas plutôt le gouvernement français qui porte l'entière responsabilité de tous ces drames ?
C'est bien lui en effet qui a transformé du jour au lendemain les Comoriens en étrangers, en instaurant en 1995 un visa pour entrer à Mayotte. C'était ainsi mettre fin à la libre circulation qui existait entre les îles de l'archipel, y compris après 1974, date à laquelle une majorité de Mahorais a décidé que l'île resterait rattachée à la France.