Le système capitaliste, un vaste réseau d'escroquerie17/12/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/12/une2107.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Le système capitaliste, un vaste réseau d'escroquerie

Kerviel, le courtier de la Société Générale qui avait réussi à faire perdre près de 5 milliards d'euros à sa banque sans même qu'elle s'en aperçoive, est battu à plate couture. Un nommé Madoff, une des figures les plus respectées de Wall Street d'après les commentateurs, ancien patron du Nasdaq, la deuxième plus importante Bourse des États-Unis, gérant d'un fond de placement et philanthrope à ses heures, a été arrêté par le FBI pour une fraude de 50 milliards de dollars !

Sa carambouille était simple : il alléchait ses futurs clients à la recherche d'un bon placement en promettant plus de 12 % par an et, qui plus est, d'un rapport constant. Une telle offre ne se refuse pas dans le petit monde de ceux qui ont de l'argent à placer. L'offre de Madoff ne s'adressait évidemment pas au commun des mortels, mais à ceux qui avaient des dizaines ou des centaines de millions à placer. Parmi ses clients, il y avait de riches, de très riches particuliers, de grandes banques, mais aussi des entreprises industrielles.

Le mécanisme de la combine était de verser les 12 % promis aux premiers clients avec l'argent frais venant des suivants. Cette petite affaire tournait rond tant que, bon an mal an, un nouveau contingent de spéculateurs venait apporter l'argent frais nécessaire au paiement des intérêts des anciens. Mais, patatras, la crise financière a arrêté ces flux d'argent et, d'un seul coup, Madoff s'est retrouvé dans l'incapacité d'honorer ses engagements.

Résultat : non seulement sa société fait faillite mais, de plus, des dizaines de banques, qui ont déjà du mal à se débarrasser des titres pourris de la spéculation immobilière américaine, se retrouvent lestées d'une nouvelle catégorie de titres aussi pourris. Parmi les principaux clients de Madoff qui ont spéculé et qui ont perdu, il y a du beau linge : un bon nombre d'institutions financières aux États-Unis : en France, la BNP, « soulagée » de 350 millions d'euros ; de grandes banques espagnoles, suisses et japonaises.

Que l'on se rassure sur le sort du personnage par qui le scandale arrive. À peine arrêté, il a été libéré, moyennant une caution tout de même. Comme quoi il vaut mieux détourner 50 milliards de dollars que de se faire prendre à la sortie d'un supermarché avec une boîte de petits pois qu'on a oublié de payer...

Mais, au fond, il y a une certaine logique dans cette justice. Car cet ex-pilier de Wall Street n'a rien fait d'autre que ce que font ses compères des grandes banques, des fonds de placement. Ils promettaient des gains élevés tout en sachant qu'il était impossible de distribuer autant à tous, dans une économie morose, sans que cela entraîne l'écroulement de la carambouille collective. Le bonhomme est un escroc, à coup sûr, mais c'est tout le fonctionnement de leur système qui est une escroquerie généralisée.

On pourrait rire à l'idée que ces escrocs de la haute finance se volent les uns les autres. Mais ce n'est pas un gigantesque Monopoly où les pertes comme les gains seraient fictifs et ne concerneraient que ceux qui jouent. C'est toute l'économie qui paie déjà pour leurs affaires. De grandes entreprises sont menacées de faillite. Des travailleurs sont licenciés ou subissent des périodes de chômage partiel plus ou moins importantes. Des usines ferment. Des sous-traitants s'effondrent.

Depuis que la crise financière a éclaté, on ne nous parle que de « moralisation du système financier », de « contrôle » et de « transparence ». Mais, pendant que les dirigeants politiques font les guignols devant les caméras de télévision, les banques et les entreprises continuent à spéculer. Il est par exemple à remarquer que, parmi les entreprises qui spéculaient par l'intermédiaire de l'officine de Madoff, il y a notamment General Motors, qui menace de mettre la clé sous la porte et de jeter à la rue ses quelque 200 000 travailleurs de par le monde.

Ainsi va leur monde, un monde d'escrocs et d'irresponsables ! Ce sont eux qui décident du sort de l'économie et, finalement, de la vie des femmes et des hommes de la planète, pendant que les dirigeants politiques amusent la galerie et que ceux d'ici occupent leur temps à inventer des mesures comme la retraite à 70 ans ou le travail du dimanche.

Qu'ils ne s'étonnent pas qu'un jour tout cela leur saute à la figure !

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 15 décembre

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