11 novembre : L'hypocrisie des discours officiels12/11/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/11/une2102.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

11 novembre : L'hypocrisie des discours officiels

Cette année, Sarkozy avait choisi le fort de Douaumont (Meuse), haut lieu de la bataille de Verdun, pour célébrer le 90e anniversaire de l'armistice qui mit fin à la guerre de 1914-1918. Dans son discours, il a notamment évoqué le sort des soldats fusillés pour l'exemple qui " n'avaient pas été des lâches mais simplement étaient allés jusqu'à l'extrême limite de leurs forces ".

Quatre-vingt-dix ans après, alors que le dernier survivant français de cette boucherie a disparu, Sarkozy était sûr de ne pas provoquer beaucoup de réactions de ceux qui ont vécu cette boucherie et y ont survécu. Dans ce discours, à propos des fusillés dans les rangs de l'armée française, il s'est bien gardé de rappeler les raisons qui poussèrent les dirigeants et les chefs militaires de l'époque à les réprimer sans pitié.

Dès le début de la guerre, il y eut des soldats exécutés pour un refus d'obéissance, même mineur, un abandon de poste ou l'échec d'une attaque. En 1914 les cours martiales, rétablies dès septembre par le président de la République Raymond Poincaré, prononcèrent officiellement 98 condamnations à mort sur un total de 780 cas soumis à leur juridiction. Le choix de ces condamnés pour l'exemple n'était pas toujours laissé au hasard. Ainsi le 20 avril 1915 à Flirey (Meurthe-et-Moselle), suite au refus collectif de leur compagnie de remonter à l'assaut, trois soldats furent désignés pour le peloton d'exécution par leurs supérieurs en raison de leur appartenance au syndicat CGT.

Le refus d'aller se faire trouer la peau prit une tout autre ampleur à partir d'avril 1917, après l'échec de l'offensive au Chemin-des-Dames déclenchée par le général Nivelle. Trois semaines après, le front ne s'était pas déplacé, mais on dénombrait 271 000 morts du côté français et 163 000 du côté allemand. Devant ce carnage, beaucoup de soldats désertèrent ou se mutinèrent, réclamant l'arrêt de ces offensives meurtrières et inutiles. Bien que l'armée ait imposé sa censure et détruit une bonne partie des documents se référant à ces événements, il est établi que 54 divisions, soit la moitié de l'armée française, furent touchées par le mouvement de révolte.

Dans les manifestations de soldats, on pouvait entendre " À bas la guerre ", " Vive la paix ", " Vive la révolution sociale " et " Faisons comme en Russie ". Un mois plus tôt en effet, les grèves et manifestations ouvrières à Petrograd, qui réclamaient notamment la paix, avaient sonné le début de la révolution russe.

Le danger de contagion effraya la bourgeoisie française. Le général Pétain fut nommé en remplacement de Nivelle et, par ces exécutions " pour l'exemple ", il fit peu à peu cesser le mouvement.

Au total, en quatre ans de guerre, 2 400 poilus ont été condamnés à mort et 600 exécutés, les autres voyant leur peine commuée en travaux forcés.

Ce sont les révolutions déclenchées par les ouvriers et les soldats, en Russie d'abord, en Allemagne ensuite, qui après avoir renversé les monarchies en place contraignirent les dirigeants des pays belligérants à mettre fin à ce premier massacre presque planétaire. Mais la guerre avait coûté la vie à près de deux millions d'Allemands, 1 700 000 Russes et 1 500 000 Français, sans compter tous les autres.

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