Justice : Le gouvernement face à la grogne des magistrats30/10/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/10/une2100.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Justice : Le gouvernement face à la grogne des magistrats

Après les difficultés de la ministre de la Justice avec une partie des magistrats, c'est Sarkozy qui est intervenu. Mais, appliquant le vieux principe du « diviser pour régner », il n'a invité à le rencontrer qu'un seul des syndicats de la magistrature, l'Union syndicale des magistrats (USM), excluant le Syndicat de la magistrature, jugé plus critique envers la politique du « tout-répressif » du gouvernement.

C'est que, le 23 octobre, la grogne non seulement des magistrats mais aussi de toutes les catégories de personnels de la justice s'était exprimée fortement lors d'une journée de mobilisation.

Fait qui n'est pas si courant, tous les acteurs du monde judiciaire - juges, avocats, greffiers, personnels de la protection judiciaire de la jeunesse et gardiens de prison - se sont en effet retrouvés pour défiler ensemble ou se rassembler dans plusieurs grandes villes : Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, notamment.

Ils ont dénoncé le « malaise sans précédent » de la magistrature. Le porte-parole de l'USM a déclaré que « la justice va mal depuis longtemps. Tout n'est pas de la faute de Rachida Dati, évidemment, mais son action depuis 18 mois est absolument catastrophique ». Il a aussi dénoncé la « politique de coup d'État permanent et du coup médiatique pour complaire à l'opinion publique » et déploré une « politique sans moyens » qui fait que la France est classée, en terme de budget de la Justice, 35e sur 47 pays d'Europe, en soulignant cependant que son syndicat ne souhaite pas la démission de la ministre, mais qu'elle « se mette au travail ».

De son côté, la porte-parole du Syndicat de la magistrature a souligné que, « si dans ce pays il s'agit de lutter contre la récidive et contre toutes les formes de délinquance, on s'y prend à l'envers, car la politique qui est menée c'est une politique d'exclusion, de systématisation de l'enfermement ». Avec pour conséquence une surpopulation carcérale, dont l'envolée des suicides de prisonniers est en partie la conséquence, et en même temps le révélateur d'une condition très dégradée, pour les prisonniers comme pour les personnels chargés de s'en occuper.

Des magistrats responsables des juridictions locales, des avocats ont dénoncé le « mépris » et le « caporalisme » de la ministre. « Pour rendre la justice, il faut de la sérénité. En étant jetés en pâture à la moindre erreur, ce n'est pas le cas », a lancé un procureur de Nantes.

Reçus le 24 par la ministre, les syndicats sont sortis en dénonçant un « dialogue de sourds ». Le 26, dans le Journal du Dimanche, la ministre a mis la manifestation sur le compte de l'immobilisme des magistrats et refusé de voir dans la rencontre avec le président un quelconque désaveu de son action. Pour elle, tout va bien ; sa « réforme », qui va réduire le nombre de tribunaux y compris ceux des prud'hommes, est en route. Solidaire de la ministre, la droite UMP a dénoncé « l'acharnement des magistrats » présentés comme les « gâtés du budget ». Si on ajoute à cela le battage médiatique autour d'une erreur d'un greffier qui aurait permis de mettre en liberté un prisonnier accusé de viols, tous les ingrédients étaient réunis pour entretenir la grogne !

En rognant sur tous les budgets pour mieux financer le patronat, le gouvernement arrive à dresser contre lui même des catégories sociales qui font plutôt partie des soutiens de la droite au pouvoir. Il n'est pas sûr que l'intervention de l'artificier Sarkozy suffise à désamorcer le ras-le-bol des milieux de la justice.

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