Grande-Bretagne : Les banques sous perfusion étatique, mais toujours prédatrices24/09/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/09/une2095.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : Les banques sous perfusion étatique, mais toujours prédatrices

C'est en Grande-Bretagne dès septembre 2007, que s'était produite la première faillite bancaire de la crise financière actuelle, celle de Northern Rock. Mais ce n'était encore qu'une banque mineure et sa nationalisation avait suffi à enrayer le début de panique qui menaçait les banques britanniques.

Mais la tourmente bancaire a continué. Les unes après les autres, les grandes banques britanniques ont dû annoncer les pertes subies après l'explosion de la bulle immobilière. À ce jour, ces pertes s'élèvent officiellement à plus de 25 milliards d'euros, pour les seules " Big Six ", les six plus grosses banques qui monopolisent les dépôts bancaires. À quoi il faut ajouter la dissolution plus discrète, mais aussi coûteuse, des fonds de placement qui leur servaient pour leurs opérations de crédit.

Ce n'est certes pas faute d'aides de l'État. Depuis avril 2008, la Banque d'Angleterre permet aux banques de changer leurs titres invendables contre des bons du Trésor. Officiellement ce renflouement du système bancaire par l'État devait prendre fin en octobre 2008 et on estimait son coût à 125 milliards d'euros. Mais les conditions imposées aux banques pour accéder à ce pactole ont été discrètement assouplies et aujourd'hui, non seulement les emprunts dépassent les 250 milliards d'euros, mais ce dispositif sera maintenu au moins jusqu'en janvier 2009 !

Il est vrai que ces mesures n'ont pas empêché les banques d'être ébranlées. Face à la fonte de leurs fonds propres, elles ont dû se tourner vers leurs actionnaires pour obtenir de l'argent frais en échange de nouvelles actions. Mais leurs cours boursiers étant en chute libre, cela n'a pas été sans mal. Si bien qu'en mai dernier, la deuxième banque britannique, RBS, n'a réussi à lever les 15 milliards d'euros dont elle avait besoin qu'en vendant en catastrophe ses filiales assurance vie, pourtant très profitables.

Ce mois-ci, une autre grande banque, HBOS, a frôlé elle aussi la faillite lorsque le cours de ses actions s'est mis à tomber en chute libre. Cette fois, il s'agit d'une conséquence directe de l'explosion de la bulle immobilière britannique. En effet, les actifs de HBOS sont constitués pour moitié de crédits immobiliers anglais. En plus de ses pertes passées, HBOS se trouve menacée par l'impossibilité de rentrer dans ses fonds en cas de défauts de paiement futurs, du fait de la baisse des prix immobiliers (15 % pour l'année écoulée), même en recourant à des expulsions.

Une montée anormale des retraits chez HBOS a déclenché une activité fiévreuse du gouvernement, pour éviter à tout prix la faillite. HBOS était en effet trop importante pour que le gouvernement prenne ce risque, non seulement parce que c'est la cinquième banque du pays, mais surtout parce qu'elle détient 20 % des prêts immobiliers aux particuliers. Sa faillite aurait entraîné un écroulement brutal du marché immobilier, déjà bien mal en point.

Après de laborieux marchandages, c'est Lloyds TSB, la quatrième banque du pays qui absorbera HBOS. Nul ne sait quelles garanties le gouvernement Brown lui a offertes à cette occasion - " secret commercial " oblige ! - mais elles ont dû être convaincantes. Sans parler du fait que, pour l'occasion, Brown va faire passer une loi pour contourner la législation antimonopole, au nom de " l'intérêt national " ! En tout cas, les " Big Six " ne sont désormais plus que cinq.

Cela étant, le fait que la crise ait frappé toutes les banques britanniques ne signifie pas qu'elles perdent leurs habitudes de prédateurs. Le rôle de Barclays (3e banque britannique) dans le dépeçage de la banque américaine Lehman Brothers est significatif à cet égard. Cela faisait des mois que Barclays était en pourparlers avec Lehman en vue d'élargir ses activités aux États-Unis. Brutalement, le 12 septembre, Barclays rompit le contact au moment où les actions de Lehman étaient la cible d'une vague de spéculation à la baisse. Du coup, Lehman n'eut d'autre choix que de se déclarer en faillite. Barclays put ainsi offrir ensuite de racheter un quart des actifs de la Lehman pour un prix défiant toute concurrence : 1,2 milliard d'euros seulement !

Mais d'où vient cette somme qui va permettre à Barclays d'étendre son empire ? Il faut savoir qu'elle a été la première des " Big Six " à aller quémander l'aide de la Banque d'Angleterre, dès août 2007, et que depuis, après avoir fait passer 2,5 milliards d'euros de titres " pourris " au compte des pertes et profits, elle n'a cessé de soutirer des prêts à ladite Banque. C'est donc aux dépens des fonds publics que Barclays absorbe sa rivale américaine. Ce qui n'a pas empêché des ministres travaillistes de saluer là un fait d'armes, preuve de la " bonne santé " des banques ! " Bonne santé ", quand elles ne vivent que grâce aux perfusions de la Banque d'Angleterre ?

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