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Dans le monde
Géorgie-Russie : Du droit des grandes puissances à disposer des autres
Ce qu'il y a de plus remarquable dans les prises de position des dirigeants français sur le conflit géorgien, ce ne sont pas les airs de matamore d'un Kouchner parlant d'ultimatum, ou les poses d'un Sarkozy jouant les grands médiateurs, c'est le parfait mépris qu'ils manifestent pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, en invoquant sans cesse le respect des " frontières internationalement reconnues ".
Que les Ossètes ou les Abkhazes puissent décider eux-mêmes de leur sort n'entre absolument pas dans leur raisonnement. Ces prétendus démocrates ne raisonnent pas d'une manière différente de celle d'un Poutine pour qui les Tchetchènes, quoi qu'ils puissent en penser eux-mêmes, sont russes pour l'éternité.
En ce qui concerne les territoires de l'ex-Union soviétique, ces frontières " internationalement reconnues " ne sont en outre que le résultat de la transformation d'anciennes frontières purement administratives en frontières " nationales ". Car avant l'éclatement de l'URSS les habitants de toutes ces régions avaient en commun d'être des citoyens soviétiques. Russes ou Géorgiens, Ossètes ou Abkhazes, ils jouissaient des mêmes droits (ou des mêmes absences de droits, car l'URSS de Brejnev ou de Gorbatchev n'avait rien d'un paradis où toutes les libertés pouvaient s'épanouir !). Staline avait fait de l'Ossétie du Nord un territoire de la Fédération de Russie, de l'Ossétie du Sud un territoire de la Géorgie, mais cela ne changeait rien en fait pour ceux qui vivaient de part et d'autre de cette frontière.
C'est la guerre de succession qui se livra dans les sommets de l'État soviétique à partir de 1985 qui amena l'éclatement de l'URSS. Eltsine, rival de Gorbatchev, s'appuya sur le désir des dirigeants de chaque République d'être seuls maîtres dans leur domaine pour s'emparer du pouvoir à Moscou. En décembre 1991, l'URSS cessa d'exister, à la grande satisfaction des États impérialistes, pour qui les frontières des ex-Républiques soviétiques devinrent les frontières " internationalement reconnues " des nouveaux États indépendants.
Cette notion de frontières " internationalement reconnues " est cependant à géométrie variable. Si les puissances occidentales se sont appuyées dessus pour reconnaître avec satisfaction l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie lors de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie en cette même année 1991, elle ne les a pas empêchées d'applaudir en février dernier l'indépendance du Kosovo, qui faisait pourtant partie intégrante de la Serbie, depuis des décennies.
En réalité, les grandes puissances adoptent les " principes " qui les arrangent pour justifier leur politique, et n'ont que mépris pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. On ne saurait attendre autre chose d'États dont la plupart ont été des puissances coloniales, qui continuent d'intervenir militairement en fonction de leurs intérêts dans les pays du Tiers-Monde et qui tous ont participé au charcutage de l'Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.