Dans la nuit du samedi 21 juin le ferry Princess of the Stars de la compagnie Sulpicio Lines, pris dans un typhon dans l'archipel des Philippines, s'est éventré sur un banc de sable et a coulé en quelques minutes. Sur le millier de passagers et d'hommes d'équipage seuls quelques dizaines ont pu en réchapper. Plus de 700 ont péri noyés, la plupart à l'intérieur de la coque retournée.

Sulpicio Lines a publié un communiqué invoquant la « colère de la mère nature » et demandant à Dieu ses secours. Mais s'il y a bien eu un typhon et s'il a effectivement changé de direction de façon imprévisible, le ferry en a été prévenu par les gardes-côtes qui lui ont demandé à temps de se dérouter. Il n'a pas pu le faire à cause d'une avarie de moteur qui n'a rien à voir avec la nature mais qui doit probablement tout au manque d'entretien et à la vétusté du matériel.

La compagnie Sulpicio Lines, propriété de la famille Go, arme seize ferries à passagers et seize cargos, reliant entre elles les différentes îles des Philippines. Elle est tristement célèbre pour être responsable du naufrage « civil » le plus meurtrier. En 1987 un de ses ferries avait coulé après être entré en collision avec un pétrolier, entraînant la mort de plus de 4 000 passagers. Le bureau des enquêtes maritimes philippin avait dédouané Sulpicio Lines et le pétrolier de toute responsabilité. Les divers procès engagés par des familles de victimes se sont terminés en 2007 par des non-lieux. Puis, en 1988, 250 personnes périssaient dans le naufrage d'un autre ferry de la même compagnie qui avait pris la mer malgré un avis de tempête. La justice philippine dédouanait à nouveau la compagnie, invoquant « la main de Dieu ». En 1998, un nouveau naufrage avait eu lieu, faisant cette fois-ci 150 victimes. Enfin, l'an passé, un incendie s'est déclaré sur un ferry de Sulpicio, sans entraîner de naufrage.

Devant l'émotion soulevée par cette nouvelle catastrophe, le gouvernement philippin a suspendu l'autorisation de naviguer de tous les bâtiments de la compagnie. Pour combien de temps ? Dans ses conseils aux voyageurs, le ministère français des Affaires étrangères précise que « en raison du manque d'entretien et du non respect des règles de sécurité les naufrages et les incendies à bord des ferry-boats sont fréquents aux Philippines ». On ne saurait être plus clair. Mais les Philippins, eux, particulièrement les plus pauvres, n'ont pas d'autre choix pour se déplacer que d'embarquer sur de tels ferries.