Bachar Al-Assad à Paris ? Petites manoeuvres diplomatiques26/06/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/06/une2082.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bachar Al-Assad à Paris ? Petites manoeuvres diplomatiques

Le président syrien Bachar Al-Assad devrait être à Paris le 13 juillet pour le lancement du projet d' Union pour la Méditerranée cher à Sarkozy. Il devrait même être présent à côté de celui-ci le, lendemain, à la tribune officielle du défilé du 14 juillet. La nouvelle a suscité des protestations, notamment du côté des dirigeants libanais les plus anti-syriens, mais aussi du Parti Socialiste en France.

Le président syrien est en effet un dictateur et il ne fait pas bon être un opposant dans son pays, mais ce type de protestations seraient plus convaincantes si elles n'étaient pas à géométrie variable. On ne les entend pas par exemple lors de la venue de dictateurs de pays d'Afrique importants pour les affaires des capitalistes français. Et puis à tout prendre, la présence d'un Bachar Al-Assad à Paris n'est ni plus ni moins choquante que celle d'un Bush, responsable de la guerre en Irak, d'un Olmert, responsable actuel du martyre du peuple palestinien, et de bien d'autres.

Du côté américain d'ailleurs, cette initiative de Sarkozy n'a guère déclenché de protestations, et cela bien que depuis plusieurs années le dirigeant syrien ait été désigné à Washington - et aussi à Paris - comme un homme à abattre, à l'égal des dirigeants iraniens. C'est que visiblement cette invitation fait partie d'un plan pour tenter de détacher la Syrie de son alliance avec l'Iran, dans le cadre d'une série de marchandages.

On a appris ainsi il y a quelque temps l'ouverture de pourparlers entre Israël et la Syrie, le gouvernement Olmert faisant miroiter à celle-ci la possibilité de la restitution du plateau du Golan, occupé depuis 1967, en échange d'un accord de paix. De même, l'élection d'un président de la République au Liban n'a pu avoir lieu, après six mois de vacance du poste, que parce qu'un consensus a pu se dégager entre les différentes factions libanaises et les gouvernements arabes, en particulier le gouvernement syrien.

En fait les dirigeants occidentaux, français mais aussi américains, sont en train de vérifier dans quelles conditions ils pourraient s'appuyer sur le régime syrien. Il n'y a là rien de surprenant, même si depuis plusieurs années ils le vilipendent : c'est en effet les dirigeants impérialistes qui ont changé d'attitude et non pas les dirigeants de Damas. En ce qui concerne le Liban, la Syrie est intervenue dans ce pays en 1976 au cours de la guerre civile qu'il connaissait, avec l'approbation des puissances impérialistes bien contentes que son armée se charge d'y maintenir l'ordre et d'arbitrer entre les différentes factions. L'armée syrienne n'a quitté le Liban qu'en 2005 et parce que ces mêmes puissances impérialistes et leurs alliés libanais avaient alors décidé de se passer de sa présence, dans le cadre des ambitions américaines de remodeler le Moyen-Orient à leur manière à partir de l'Irak.

Aujourd'hui, ces ambitions sont évidemment revues à la baisse du fait de l'échec des États-Unis en Irak et aussi parce que la fin du mandat de Bush le prive d'initiative. Au Liban aussi, l'échec de la guerre d'Israël contre le Hezbollah oblige à trouver un accord avec celui-ci, et donc avec son protecteur syrien. C'est donc dans ce contexte que l'impérialisme français tente de rejouer un rôle dans un Moyen-Orient dont il avait été un peu écarté ces derniers temps. Sarkozy saisit l'occasion pour prendre des initiatives que les États-Unis peuvent difficilement prendre pour le moment.

Reste à savoir si ces manoeuvres diplomatiques peuvent amener une évolution un tant soit peu positive pour les peuples de la région. Malheureusement, elles risquent de n'être qu'un intermède entre deux épisodes d'affrontements ouverts car ni les États-Unis ni leur allié Israël ne renoncent à y mener une politique agressive, avec le soutien ouvert de la France et des autres États européens.

Quant à la Syrie, il est bien sûr logique qu'elle ait une influence au Liban, dont elle n'a été détachée que par le partage colonial effectué par la France au temps où elle contrôlait les deux pays. Mais le caractère anti-démocratique du régime ne peut qu'amener une partie de la population libanaise à s'en détourner, quitte à chercher des protecteurs qui ne valent pas mieux. Du coup les affrontements entre clans confessionnels qui déchirent le Liban ainsi qu'entre les régimes israélien, syrien et arabes en général, appuyant un clan contre l'autre, peuvent ranimer à tout moment les conflits. Les dirigeants impérialistes le savent, qui périodiquement les attisent pour justifier leurs manoeuvres et trouver des appuis à leur présence dans la région, et à celle de leurs trusts.

Alors peu importe au fond qu'un Bachar Al-Assad vienne ou non à Paris. Ce qui importerait, c'est que l'impérialisme français et ses différents acolytes cessent toute intervention, directe ou indirecte, au Moyen-Orient. Mais ce n'est vraiment pas ce qu'on peut attendre d'eux.

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