Depuis quelques années maintenant, la direction du site de Peugeot Mulhouse (10 000 salariés) a mis en place un numéro vert que les travailleurs doivent appeler pour être avertis d'éventuels jours de chômage.

En fait, l'organisation de la production en " flux tendu ", c'est-à-dire avec un minimum de stock de pièces dans les ateliers, fait que le moindre grain de sable peut enrayer l'engrenage. Des pannes chez PSA ou chez un fournisseur, des grèves ou des débrayages chez un sous-traitant, peuvent entraîner l'arrêt de la production. Il y a moins d'un mois par exemple, une grève des travailleurs de Rhénalu, situé à quelques encablures de l'usine, a failli mettre les chaînes à l'arrêt. Cette grève avait d'ailleurs permis aux travailleurs de Rhénalu d'obtenir une prime de 800 euros au lieu des 150 euros initialement prévus.

Pendant plusieurs jours, nous avions alors dû appeler le numéro vert. Il est gratuit, mais seulement quand on appelle d'un fixe, pas d'un portable ! Et comme il fallait appeler à partir de 9 heures du matin pour l'équipe d'après-midi, et à partir de 19 heures le soir pour le lendemain matin, il fallait rester chez soi pour bénéficier de cette gratuité ! Un message enregistré informait qu'une " rupture d'approvisionnement liée à la défaillance d'un de nos fournisseurs " peut entraîner des annulations de " séances de travail " !

La direction a ensuite réactivé le numéro vert suite à des pannes à l'Emboutissage. Là encore, il s'en est fallu de peu que la production soit stoppée. Quant aux intérimaires qui sont arrivés durant cette période, ils se demandaient où ils étaient tombés. Alors que les agences d'intérim leur promettaient des missions longue durée, dès leur arrivée à l'usine les chefs leur expliquaient que le travail du lendemain n'était pas assuré !

Finalement, la semaine dernière, c'est le blocage des routiers en Espagne qui a mis l'usine à l'arrêt. La direction n'a pas jugé utile d'aller chercher les durites manquantes par hélicoptère (comme elle le fait de temps en temps pour certaines pièces), et le travail a été annulé pour trois équipes. Bien sûr, l'annualisation du temps de travail permet au patron de faire récupérer ces journées, en nous imposant de venir quand il l'aura décidé, un samedi matin.

Il y a peu la direction de l'usine nous rebaptisait " fabricants d'avenir ". En guise d'avenir, elle n'a que le passé à proposer : l'embauche à la journée que l'on pensait être d'un autre siècle.