Chantiers navals Aker-Yards Saint-Nazaire : Effets d'annonce18/06/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/06/une2081.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Chantiers navals Aker-Yards Saint-Nazaire : Effets d'annonce

Jeudi 12 juin, le gouvernement Fillon a annoncé à son de trompe l'achat par l'État français de 9 % du capital d'Aker-Yards France. Le communiqué de Matignon précise que cette opération vise à " sécuriser les intérêts stratégiques et industriels de la France ". Tout le petit monde politique et syndical local s'est empressé d'applaudir la nouvelle, unanimement jugée rassurante, avec des nuances plus ou moins marquées selon les degrés de proximité avec l'équipe Sarkozy. Il y a pourtant de quoi rester prudent.

Il y a deux ans, le groupe Alstom - tout juste renfloué à fonds perdus par l'État français - vendait 75 % du capital de sa branche " Marine " (chantiers navals de Saint-Nazaire et de Lanester) au groupe norvégien Aker. Six mois plus tard, la vente par Aker de sa vingtaine de chantiers navals (regroupés dans Aker-Yards) à une nébuleuse de banques et fonds d'investissement européens et américains lui a permis de rafler la bagatelle de 600 millions d'euros. Les nouveaux actionnaires ont alors multiplié les opérations boursières tout aussi juteuses jusqu'à ce qu'une partie d'entre eux revendent en catimini leurs actions Aker-Yards au groupe coréen STX, qui est alors devenu l'actionnaire principal (mais non majoritaire) de son ancien concurrent.

Il est à noter que, en ce qui, concerne la droite et les milieux patronaux, chaque étape de ce Monopoly boursier a été également et successivement applaudie et présentée comme une garantie pour " l'avenir de la Navale ".

La gauche, elle aussi, a trouvé des motifs de satisfaction à toutes ces manoeuvres qui témoigneraient, selon elle, de l'intérêt des investisseurs pour la construction navale nazairienne. Sauf en ce qui concerne l'arrivée des Coréens, soupçonnés de vouloir s'accaparer le savoir-faire local pour le déménager en Asie.

Toutes ces transactions opaques se déroulent au-dessus de la tête des travailleurs et des populations alors que les salaires restent à la traîne et que même le renouvellement du matériel nécessaire à la construction de paquebots géants fait souvent défaut. Parmi les travailleurs, cette situation suscite un réel sentiment d'inquiétude pour l'avenir.

Aujourd'hui, c'est au tour de Sarkozy de se poser en sauveur, à sa manière, avec les effets d'annonce ou les coups de bluff qui le caractérisent. Ainsi, à l'issue de discussions avec le groupe STX, le gouvernement a fait savoir qu'ils s'étaient entendus et mutuellement promis amitié et fidélité. Fillon annonçait que l'État avait pris 9 % du capital des deux chantiers français du groupe Aker-Yards " pour quelques dizaines de millions d'euros ". Sauf que celui qui peut les vendre n'est pas STX, mais Aker-Yards qui a fait part de sa surprise et de son peu d'enthousiasme. Lagarde, ministre de l'Économie, ajoute quant à elle qu'avec les 25 % d'Alstom cela constituera une " minorité de blocage " garantissant " 18 ans de protection aux chantiers de Saint-Nazaire ". Les promesses de ces gens-là n'engagent que ceux qui les écoutent !

Malgré tout, avec le climat d'inquiétude ambiant, nombre de travailleurs accueillent plutôt favorablement cette annonce. Et il est vrai que s'ils doivent demander des comptes, le gouvernement paraît plus accessible que la direction coréenne. Mais beaucoup n'ont évidemment aucune confiance en Sarkozy et se souviennent de ce que valent ses promesses, notamment celles faites aux travailleurs de Mittal à Gandrange. Certains n'oublient pas que le fait que les chantiers aient été nationalisés à une époque n'a empêché ni les licenciements, ni la dégradation des conditions de travail.

Restent que tous les patrons différents et successifs croulent sous les bénéfices et que notre avenir dépendra surtout de notre capacité à imposer la préservation et l'amélioration des emplois, des conditions de travail et des salaires ; et aussi à imposer que les travailleurs puissent aller mettre leur nez dans les magouilles financières de ces grands groupes dont dépend l'avenir de régions entières.

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