Matières premières : Les spéculateurs affament le monde18/04/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/04/une2072.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Matières premières : Les spéculateurs affament le monde

La hausse des prix des matières premières, pétrole, métaux, denrées alimentaires, est d'une telle ampleur que les discours qui limitent l'explication du phénomène à la consommation croissante de l'Inde et de la Chine ont fait long feu. Ne nous disait-on pas que le café ne pouvait être concerné par les hausses de prix, puisque la Chine et l'Inde n'en boivent pas ? L'augmentation de la consommation mondiale de café ne doit être que de 1,6 % cette année, mais cela n'empêche pas le prix du café d'avoir bondi de 22 % en deux mois depuis le début janvier à la Bourse de commerce de New York.

Même le développement des agrocarburants, dont on nous dit qu'il faudrait qu'ils remplacent d'ici 2020 10 % du pétrole utilisé dans les transports, ne permet pas d'expliquer les hausses considérables actuelles du maïs, du blé, de la canne à sucre, de l'huile de palme... Maintenant, gouvernants et commentateurs sont bien obligés d'admettre que les hausses de prix de ces produits sont dues pour l'essentiel à la spéculation.

Il s'agit de masses croissantes de capitaux à la recherche d'un profit rapide qui se lancent dans des paris sur l'augmentation des prix des matières premières. On peut ainsi s'engager à acheter à un prix donné pour revendre plus cher et empocher la différence. En pariant ainsi sur la hausse, les détenteurs de capitaux font effectivement monter les prix. Toutes ces transactions se font à crédit et la mise initiale peut ne représenter que 5 % de la valeur de la récolte achetée sur pied et qui sera revendue bien des fois, à chaque fois un peu plus cher, avant même d'être physiquement engrangée.

La masse des capitaux qui veulent se placer ainsi a considérablement augmenté depuis un an. Ceux qui ont de l'argent ne savent plus quoi en faire, voilà longtemps qu'ils ne veulent pas l'investir dans la production de biens utiles et, aujourd'hui que la croissance économique ralentit, c'est encore plus vrai. Et puis les capitaux se détournent de l'immobilier, en crise grave aux États-Unis, ainsi que de la Bourse en crise elle aussi.

Les banques centrales ont mis des centaines de milliards de dollars à la disposition des banques pour tenter d'enrayer la crise financière partie des États-Unis, mais ce sont autant de moyens donnés aux banques, aux assurances, aux fonds d'investissements. Pour tenter de compenser leurs pertes dans la spéculation immobilière elles peuvent se lancer dans une autre forme de spéculation, plus profitable pour l'instant, sur les matières premières.

Il n'y a que ces déplacements brutaux et considérables de capitaux qui permettent de comprendre les hausses brutales auxquelles on assiste aujourd'hui. Le prix du riz a, par exemple, bondi de 31 % en une seule journée, le 27 mars. En six mois, le prix du maïs a augmenté de 80 % à la Bourse des produits agricoles de Chicago. Un million de contrats y sont passés chaque jour, en augmentation de 20 % depuis le début de l'année. Alors que la production ralentit, alors que l'échange réel de marchandises se contracte, ces achats sur papier se multiplient et les prix flambent au lieu de baisser.

Le FMI parle pudiquement de " découplage entre les prix des matières premières et le ralentissement actuel de l'économie mondiale ". Mais tous les dirigeants de ce monde savent à quoi s'en tenir. Selon la FAO, les pays pauvres vont devoir payer 56 % de plus leur facture céréalière en 2008, après une augmentation de 37 % en 2007. Des dizaines de millions de personnes ne peuvent plus se nourrir, mais rien n'est fait pour empêcher ces possesseurs de capitaux de nuire. Et pour cause, car c'est toute la classe capitaliste et tout son système économique basé sur le sacro-saint profit qu'il faudrait contraindre. Les gouvernants, les organismes économiques mondiaux sont à leur service et participent à ce casino géant, en transfusant vers ces mêmes richissimes possesseurs de capitaux une part toujours plus grande des richesses produites par les ouvriers et les paysans du monde entier.

Dominique CHABLIS

Mensonge et cynisme d'un tenant du système

Dans Le Monde daté du 3 avril, à propos des grèves sur les salaires dans les pays pauvres, un certain Nicolas Bouzou, gérant d'un cabinet conseil, autrement dit une société chargée d'étudier le marché pour définir ce qui rapporte le plus aux capitalistes, écrivait que ce qui fait augmenter les prix, c'est " le milliard de personnes qui est entré dans l'économie depuis les années 1990 et qui est passé d'un repas par jour à deux ". Et d'ajouter : " Les pays émergents accèdent au statut de pays émergés et cela a un coût. "

Autrement dit, les prix augmentent, n'allez pas en attribuer la responsabilité aux multinationales, celles de l'agro-alimentaire par exemple. Les seuls responsables seraient ces travailleurs qui, ayant l'audace de vouloir faire deux repas par jour, réclament et obtiennent de quoi vivre un tout petit peu moins mal.

C'est évidemment un mensonge, car il n'y a là-dessous aucune " loi économique " contre laquelle on ne pourrait rien faire. Ce qui intéresse les capitalistes qui dominent l'économie n'est pas de nourrir la population, mais de faire des profits.

Partager