L'olympisme, légende et réalité11/04/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/04/une2071.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

L'olympisme, légende et réalité

Comme à bien des reprises dans le passé, les Jeux olympiques sont l'objet de nombreuses polémiques sur l'opportunité ou non de les boycotter, en protestation contre le régime du pays organisateur, qui est, cette année, la Chine. Que les JO soient ainsi perturbés pour des raisons politiques n'est qu'un juste retour des choses pour une manifestation sportive qui, depuis sa création en 1896, n'a jamais été dénuée d'arrière-pensées politiques.

L'inspiration réactionnaire de Pierre de Coubertin

Pierre de Coubertin, considéré comme le père fondateur des JO modernes, était élitiste, nationaliste, raciste et colonialiste. Il misait sur le fait que les JO insuffleraient aux jeunes Français le goût de la compétition, afin que la France rattrape le niveau de l'Allemagne. La presse sportive d'outre-Rhin écrivait en 1913 : " L'idée olympique de l'ère moderne symbolise une guerre mondiale qui ne montre pas son caractère militaire ouvertement, mais donne un aperçu de la hiérarchie des nations ".

La guerre de 1914-1918 rendit impossible les Jeux de 1916. Ils reprirent en 1920, mais les organisateurs en écartèrent les vaincus : Allemagne, Autriche, Bulgarie, Hongrie et Turquie. À l'inverse, le choix, pris en 1931, d'organiser les JO de 1936 à Berlin, signifiait la réintégration de l'Allemagne dans le concert des nations. Sauf qu'en 1933, Hitler et ses nazis s'emparaient du pouvoir. Ni l'éviction de sportifs " non aryens " de la sélection allemande ni les lois raciales promulguées à Nuremberg en 1935 ne firent sourciller le Comité International Olympique (CIO). En fait, du côté des dirigeants du monde impérialiste, on ne trouvait pas grand-chose à redire à Hitler, en qui tous voyaient un chef d'État capable de faire régner la stabilité politique et sociale dans son pays. Le baron de Coubertin le félicita pour la bonne tenue des Jeux de Berlin.

La Deuxième Guerre mondiale empêcha les JO de 1940 et 1944 de se tenir. Et, cette fois encore, les vaincus, Allemagne et Japon, ne furent pas invités aux JO de Londres en 1948. Il fallut attendre 1952, et les JO d'Helsinki, pour assister à la réintégration de l'Allemagne. La même année, l'URSS acceptait d'y participer pour la première fois. Mais, guerre froide oblige, les délégations de l'URSS et des pays de l'Est européen dits de " démocratie populaire " obtinrent de résider dans un second village olympique pour éviter tout contact avec leurs adversaires et aussi les défections d'athlètes. De même, la présence à Helsinki d'une délégation de sportifs chinois entraîna le départ des représentants de la Chine de Taïwan. La Chine de Mao ne revint aux jeux qu'en 1976 et celle de Taïwan qu'en 1981.

En 1956, l'Egypte, l'Irak et le Liban boycottèrent les Jeux de Melbourne pour protester contre l'occupation franco-anglo-israélienne du canal de Suez, tandis que l'Espagne de Franco et la Suisse les boycottèrent pour protester contre l'intervention de l'URSS en Hongrie.

Mexico 1968... après le massacre des manifestants

Par contre, en 1968, personne ne proposa de boycotter les Jeux de Mexico. Ils se tinrent pourtant quelques jours seulement après le massacre par le régime mexicain d'étudiants contestataires, faisant trois cents morts à Mexico sur la place des Trois-Cultures. Ces jeux furent cependant marqués par le geste de plusieurs athlètes noirs-américains qui, au moment de recevoir leurs médailles, levèrent un poing ganté pour affirmer leur solidarité avec la lutte des Noirs de leur pays.

En 1972, à Munich, les Jeux furent marqués par l'intrusion d'un commando qui prit en otage un groupe d'athlètes israéliens pour tenter d'obtenir la libération de prisonniers palestiniens. Le refus des dirigeants israéliens de négocier puis l'intervention de la police allemande entraînèrent un massacre des athlètes comme des preneurs d'otages palestiniens.

En 1976, les nations africaines boycottèrent les jeux de Montréal pour protester contre la présence de la Nouvelle-Zélande à qui elles reprochaient d'avoir participé à un tournoi de rugby avec l'Afrique du Sud de l'Apartheid.

En 1980, ce furent les États-Unis qui boycottèrent les JO de Moscou pour protester contre l'invasion de l'Afghanistan par les troupes russes. En 1984, Moscou leur rendit la monnaie de leur pièce en boycottant à son tour les Jeux de Los Angeles.

Ces compétitions sportives internationales n'ont en rien jamais été ces moments où se taisent les conflits, où s'effacent les tensions, où disparaissent les rivalités et les calculs entre les nations et les gouvernants, faisant place à une noble fraternité du sport qui en fait n'a jamais existé que dans les discours et les symboles.

La " trêve olympique ", nous dit-on, marquait une période de paix dans les cités grecques de l'Antiquité, tous les quatre ans. Vouloir ressusciter ce moment idéal, pour autant qu'il ait jamais existé, dans la société d'aujourd'hui, est au mieux une utopie, et plus sûrement un mensonge intéressé.

Les JO sont devenus une immense manifestation médiatique. En 2004, à Athènes, par exemple, les épreuves ont été suivies par quatre milliards de téléspectateurs. C'est non seulement une énorme affaire commerciale, c'est aussi une gigantesque vitrine utilisée par les dirigeants des pays organisateurs. Alors cette manifestation ne peut être autre chose que le reflet des antagonismes et des conflits du moment qu'elle ne réussit pas à travestir ni à faire oublier. Parfois même, elle agit à l'inverse. Elle se transforme en révélateur, en amplificateur de ces tensions. La courte histoire des JO modernes en a été l'illustration.

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