Gandrange, dictature patronale et vaine agitation gouvernementale11/04/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/04/une2071.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Gandrange, dictature patronale et vaine agitation gouvernementale

La décision en a été annoncée le 4 avril au comité d'entreprise : l'aciérie et un laminoir seront fermés sur le site de Gandrange, en Moselle. 600 emplois sur 1 100 seront supprimés (sans parler des conséquences chez les sous-traitants). L'usine fait partie de la société ArcelorMittal, numéro un mondial de l'acier.

Lorsque le patron d'ArcelorMittal a mis la main sur l'usine, il avait promis qu'il n'y aurait pas de suppressions d'emplois. Qu'un patron fasse de fausses promesses et qu'il mente à ses ouvriers, ce n'est vraiment pas une nouveauté. En matière de fermeture d'usines, de délocalisation ou de réduction d'effectifs, c'est même la règle.

Les travailleurs d'une entreprise sont en général les derniers avertis des projets dont ils sont les victimes, planifiés souvent des mois, voire des années à l'avance. Tout est calculé pour que, le jour de l'annonce, les travailleurs mis à la porte et leur famille n'aient plus que leurs yeux pour pleurer.

Mais Sarkozy en personne s'était rendu à l'usine de Gandrange le 4 février pour promettre devant les caméras qu'il ferait tout pour qu'il n'y ait pas de suppressions d'emplois. Il avait même promis de donner de l'argent public pour aider ArcelorMittal à investir ou, à défaut, pour favoriser le rachat du site par un repreneur. Subventionner ainsi, avec l'argent de l'État, une entreprise privée qui a fait 7,5 milliards de profit en 2007 était, de toute façon, choquant. Et, de plus, inefficace.

Malgré l'offre alléchante, la proposition n'intéresse pas ArcelorMittal qui ne veut pas, non plus, revendre le site à un éventuel concurrent.

Sarkozy, sèchement renvoyé dans les cordes, n'avait plus qu'à assumer la responsabilité politique du choix fait par ArcelorMittal. C'est ce qu'il a fait en recevant à l'Elysée une délégation de représentants syndicaux pour les arroser de phrases creuses sur " l'avenir industriel du site ", " la reconversion " et " la formation ". Et pour leur rapporter obligeamment de la part du patron d'ArcelorMittal " l'intention " de ce dernier d'investir et de créer une centaine d'emplois, ce qui de toute façon, ne compense pas les emplois supprimés. Sarkozy a eu la prudence de ne pas retourner à l'usine de Gandrange !

"Les chiens aboient et la caravane passe". Députés, ministres et jusqu'à Sarkozy parlent, promettent, gesticulent, mais c'est le patron d'ArcelorMittal qui décide. D'un seul coup, tout ce beau monde apparaît sans pouvoir face au véritable pouvoir, celui des grands patrons qui, au nom du conseil d'administration des actionnaires, ont le droit souverain de faire ce qu'ils veulent, quoi qu'il en coûte aux travailleurs et à toute la population de la région concernée. Les dirigeants de l'État sont des exécutants, chargés des intérêts politiques de la grande bourgeoisie. Mais ils n'ont pas à se mêler de la direction des entreprises et, donc, de l'économie.

Ce qui se passe pour Gandrange rappelle comment Jospin, alors Premier ministre socialiste, qui avait déjà abandonné les travailleurs de Renault à Vilvoorde face à la fermeture de leur entreprise, avait levé les bras au ciel en signe d'impuissance devant l'annonce des suppressions d'emplois chez Michelin.

Alors, que l'on se souvienne de Vilvoorde, de Michelin, de Gandrange ! C'est le grand patronat, c'est la grande bourgeoisie qui est le vrai pouvoir et qu'il faut faire reculer.

Lorsque le monde du travail en aura assez de subir les suppressions d'emplois, la baisse du pouvoir d'achat, les attaques gouvernementales baptisées " réformes ", contre leurs conditions d'existence, contre leurs retraites, contre leur accès à des soins corrects, c'est le grand patronat qu'il faudra menacer dans ses intérêts, dans ses profits et jusque dans son droit de propriété. C'est à lui qu'il faudra imposer un contrôle, celui des salariés, des consommateurs ou des usagers, c'est-à-dire, en fait, de la majorité de la population.

Et c'est son pouvoir sur l'économie qu'il faudra arracher un jour, en expropriant la grande bourgeoisie, pour mettre fin à un système économique qui, pour produire du profit privé pour quelques-uns, produit aussi les inégalités, le chômage, la misère, les crises et les guerres.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 7 avril

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