Turquie : Le foulard rendra la femme encore plus esclave16/02/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/02/une2063.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : Le foulard rendra la femme encore plus esclave

Samedi 9 février, le Parlement turc a adopté en seconde lecture, par 411 voix sur 550, un amendement constitutionnel proposé par l'AKP, parti du Premier ministre Erdogan, et soutenu par l'extrême droite nationaliste (MHP) afin d'obtenir l'indispensable majorité des deux tiers. Cet amendement, en prévoyant notamment que " personne ne pourra être privé de son droit à l'éducation ", aurait pour résultat d'autoriser l'accès des universités aux femmes portant le foulard islamique, alors que cet accès leur était interdit jusqu'à présent.

Le gouvernement Erdogan veut ainsi donner satisfaction à la fraction la plus réactionnaire de l'électorat, mais aussi sans doute créer une diversion au moment où les difficultés économiques s'accroissent. Nos lecteurs trouveront ci-après l'article de nos camarades de Turquie, qui publient Sinif Mücadelesi (UCI).

Pendant que dans tous les pays du monde on discute de la récession économique, le gouvernement AKP donne la priorité au foulard. Certains se demandent pourquoi soudainement le foulard revient au premier plan de l'actualité. Mais il y a cinq mois l'AKP l'avait ouvertement dit dans sa propagande électorale et de plus, alors que les vrais problèmes ne trouvent pas de solution, il y a sans doute besoin d'autres sujets pour occuper l'actualité.

(...) On ne peut cependant réduire le problème du foulard à l'AKP. Tous les partis bourgeois et les dirigeants qui se sont succédé au pouvoir ont nourri la réaction religieuse. De ce point de vue, tous ces partis ont rempli leur mission. À tel point que les concessions faites dans le passé les obligent aujourd'hui à une concession encore plus importante aux milieux religieux réactionnaires.

La réaction religieuse a trouvé le maximum de soutien après le coup d'État militaire du 12 septembre 1980. Les hommes d'État et les généraux, pour faire barrage aux luttes croissantes de la classe ouvrière pour ses droits sociaux et économiques, ont décidé consciemment d'avoir recours à la réaction religieuse. Aux ouvriers qui luttaient pour leurs droits, il a été proposé de faire plutôt des prières pour l'autre monde... Et ainsi la réaction religieuse a été renforcée.

Le dirigeant d'une secte connue, Fethullah Gülen, a pu dire en parlant du général putchiste Evren qu'il a " mérité le paradis ", car le coup d'État du 12 septembre a rendu les cours de religion obligatoires dans le primaire et le secondaire.

Aujourd'hui, l'enseignement universitaire devient problématique. Il n'y a pas suffisamment de foyers universitaires, pas d'enseignement de qualité, pas d'enseignants qualifiés, pas assez d'universités ; ceux qui ont terminé leurs études ne trouvent pas de travail et ceux qui trouvent du travail n'ont pas la formation requise... Le gouvernement, qui ne trouve pas de solution aux vrais problèmes, va rajouter dans les universités un problème supplémentaire de réaction et de répression.

Le foulard n'est pas " un droit qui rend les femmes plus libres " ni " un problème de droit humain ", contrairement à ce qui est dit par des politiciens sans vergogne. Le foulard est un symbole de la réaction religieuse et de la domination des hommes sur les femmes. Il rend les femmes enore plus esclaves. Les politiciens " mâles " discutent de la manière dont les femmes doivent attacher leur foulard sans même leur demander leur avis... N'est-ce pas très révélateur ?

Dans les universités, il y a environ 2 400 000 étudiants, dont environ 1 040 000 étudiantes ; parmi celles-ci, on estime qu'environ 3 000 mettent le foulard. Mais maintenant la pression religieuse va augmenter énormément leur nombre. Et ceci n'est pas bon signe pour les droits des femmes.

Si le gouvernement était vraiment sincère, et s'il était vraiment pour les libertés, il commencerait par accorder le droit de grève, le droit d'avoir des conventions collectives à ses fonctionnaires ; il résoudrait la question kurde qui occasionne tant de souffrances ; il répartirait le revenu équitablement, et pas seulement en paroles. Qu'il reconnaisse les droits syndicaux pour tout le monde ; qu'il fasse le nécessaire contre la pression, la violence, les viols et les assassinats commis au nom des coutumes ; qu'il améliore les conditions des travailleuses ; qu'il crée des crèches...

Bien sûr, le gouvernement ne lève même pas le petit doigt pour résoudre tous ces problèmes subis par les enfants et les femmes. Le gouvernement AKP, qui est au pouvoir depuis six ans, non seulement n'apporte pas de solution à ces problèmes, mais les aggrave encore plus.

Avec cette nouvelle loi sur le foulard, ce sont encore les enfants des milieux populaires qui vont souffrir. La pression va s'accroître dans les campagnes, dans les universités de l'Est, et sur tous les étudiants, les droits seront plus limités encore. Les étudiantes, qui pouvaient s'appuyer sur cette loi pour ne pas subir le foulard, n'auront plus cette possibilité. Et la réaction franchira une nouvelle étape.

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