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Leur société
Taxis : Organisation et exploitation d'un autre âge
À un mois des municipales, Sarkozy fait mine de prêter une oreille compatissante à différentes corporations comme les buralistes, ou
les taxis. Ces derniers, après deux journées d'action, ont obtenu que soit enterrée une proposition du rapport Attali, visant à augmenter le nombre de licences attribuées.
En effet, le nombre de ces licences est réglementé depuis 1937, ce qui explique que le nombre de taxis en circulation ait peu augmenté - depuis ce chiffre oscille autour de 15 000 à Paris depuis les années 1930, sur un total de 52 000 dans tout le pays. Les chauffeurs de taxis estiment que l'augmentation du nombre de voitures diminuerait mécaniquement leur clientèle, et donc leurs revenus. C'est pourquoi ils ont réclamé le retrait de cette proposition.
Les différents statuts
Pour avoir refusé cette déréglementation, les chauffeurs de taxis se sont vu traiter d'" immobilistes ", de " conservateurs ", de " privilégiés ". Mais vu les conditions de travail de la plupart des chauffeurs de taxi, ce qualificatif apparaît particulièrement déplacé.
Il existe, en France, trois catégories de chauffeurs de taxis. Les artisans (80 % de la profession), qui sont considérés comme les moins mal lotis, sont propriétaires de leur licence. Mais acquérir une licence suppose d'avoir, au départ, un capital non négligeable puisqu'elle se négocie, selon les régions, entre 140 000 et 400 000 euros.
Les artisans ont beau être appelés par la presse " l'aristocratie de la profession ", cette aristocratie est toute relative : en travaillant souvent 60 heures par semaine, ils gagnent rarement plus de 2 000 euros par mois.
Deuxième catégorie, les chauffeurs salariés. Ils gagnent un salaire fixe de 11 euros par jour et empochent en plus 30 % des recettes de la journée. Ils peuvent travailler 10 heures par jour... mais sur ces 10 heures, seules 6 h 45 sont salariées ! Les autres heures sont destinées à " faire tourner le compteur " et augmenter un peu la marge des 30 %.
Selon leur convention collective, les taxis salariés travaillent six jours de suite, suivis de deux jours de repos. Ils ne sont pas censés payer leur essence - mais, selon la CGT-Taxis, les employeurs sont loin de respecter toujours cette règle. Ils gagnent entre 900 et 1 000 euros net par mois.
Reste enfin le dernier statut, que la CGT-Taxis assimile à " de l'esclavage pur et simple ", c'est celui de locataire. Le chauffeur loue un taxi et sa licence, pour des périodes de dix jours, entre 90 et 130 euros par jour. Il doit payer lui-même le gazole (environ 25 euros par jour), et le prix de la location doit évidemment être acquitté au propriétaire quelle que soit la recette réelle. " Il n'est pas rare que le taxi doive sortir de l'argent de sa poche à la fin de la période parce qu'il est déficitaire, souligne la CGT. Le locataire n'a droit ni aux indemnités chômage, ni aux congés payés. Il est en perpétuel endettement et n'a aucun droit. " De plus en plus de chauffeurs sont contraints de travailler sous ce statut - n'ayant pas les moyens d'acquérir une licence.
À quand un service public ?
Dans ces conditions, il n'est guère surprenant que les taxis refusent toute évolution qui viserait à réduire leurs revenus. Ce qui aboutit à maintenir une pénurie.
La déréglementation, telle que prévue par la commission Attali, n'est certainement pas une solution : si augmenter l'offre de taxis et surtout baisser leur prix serait une bonne chose pour les usagers (mais rien ne dit que cette concurrence se traduirait par une baisse sensible des prix), pourquoi cela devrait-il se faire au mépris des conditions de vie des chauffeurs ?
Pourquoi ne pas faire des taxis un service public de transports, où les chauffeurs qui le souhaiteraient pourraient être salariés, comme le sont les conducteurs de bus ou de métro, avec des horaires décents et une paye fixe ?
Mais à l'heure du démantèlement des services publics, de telles solutions, pourtant socialement souhaitables, ne sont pas près d'être prises en compte par les dirigeants politiques.