Turquie : Le port du foulard autorisé dans les universités ?07/02/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/02/une2062.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : Le port du foulard autorisé dans les universités ?

En Turquie, le gouvernement Erdogan a déposé le 29 janvier un projet de " réforme de la Constitution " dont le résultat serait d'autoriser dans les universités le port du foulard islamique, jusqu'à présent interdit.

Pour faire adopter une telle réforme, le gouvernement de l'AKP (Parti de la Justice et du Développement) reconduit par les élections de cet été, a besoin de disposer de deux tiers des sièges au Parlement. Il a pour cela le renfort du parti d'extrême droite MHP (Parti de l'Action Nationaliste).

La mesure vise évidemment à contenter la fraction de l'électorat de l'AKP la plus conservatrice et traditionaliste, même si le ministre des Affaires étrangères, Ali Babacan, l'a présentée comme une réforme nécessaire sur le chemin de l'adhésion à l'Union européenne. Le gouvernement a même déclaré que " l'interdiction du port du voile porte atteinte à la liberté de conscience et au droit à l'éducation des jeunes femmes refoulées des universités en raison de leur tenue ".

Déjà, lors des élections législatives de 2002, le parti du Premier ministre avait fait de la fin de l'interdiction du port du voile dans les universités l'une de ses promesses phares pour gagner des voix. En fait, pendant tout son premier mandat il s'était contenté de quelques déclarations, mais aujourd'hui cette mesure pourrait bien être un dérivatif commode.

En effet, après plusieurs années de relative embellie économique, la Turquie semble commencer à s'enfoncer dans la crise. Les rentrées de devises ont commencé à baisser de façon critique et mettent en cause l'équilibre financier. La population vient de subir une rafale d'augmentations des prix, et on parle d'une crise politique grave en 2009 !

Techniquement, le vote de ce projet sur le foulard semble une formalité. Il suffit pour cela de 367 voix, alors que le total des voix de l'AKP et du MHP est de 410. Les généraux turcs, qui s'affirment à toute occasion " les garants de l'État laïc " pour combattre le gouvernement Erdogan, se contentent cette fois du minimum. Le chef d'état-major Büyükanit s'est borné à dire le 30 janvier que " la société turque tout entière sait ce que pense l'armée ". La manifestation de protestation organisée le 2 février par les milieux kémalistes n'empêchera visiblement pas la loi de passer.

Bien sûr, celle-ci a surtout un caractère symbolique. Elle ne heurte sans doute pas une grande partie de l'opinion turque. Beaucoup ne mesurent pas l'importance de cette interdiction et pensent tout au plus que, à l'université ou ailleurs, les femmes peuvent bien s'habiller comme elles veulent. Mais en fait ce sera une porte de plus ouverte pour tous les tenants de la tradition et de l'oppression des femmes qui l'accompagne, oppression dont le port du voile n'est qu'un des signes extérieurs.

Dans les années qui viennent, les femmes turques risquent donc de faire les frais, dans leur vie quotidienne, de ce geste démagogique du gouvernement Erdogan. Quant à être un dérivatif au mécontentement qui risque d'atteindre celui-ci, il pourrait être de bien courte durée.

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