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Editorial
Cinq milliards perdus à la roulette de la finance
Cinquante milliards d'euros joués, cinq milliards perdus dans des opérations spéculatives par un seul individu, sans même que la banque s'en aperçoive ! Qui dit mieux ? Les cinq milliards perdus sont l'équivalent de la moitié du déficit de la Sécurité sociale, ce déficit au nom duquel on impose les franchises médicales, le déremboursement de nombre de médicaments, en écartant des soins, de fait, des centaines de milliers de salariés et de retraités. Quant aux cinquante milliards joués par ce seul courtier de banque, par qui le scandale arrive, ils représentent un cinquième du budget de l'État et le salaire annuel de quatre millions de salariés payés au smic.
Et la direction de la Société Générale de répéter pour rassurer ses actionnaires que, malgré ces cinq milliards perdus, auxquels s'ajoutent deux autres milliards envolés dans d'autres spéculations, la banque continue de faire du profit. La preuve : elle vient de racheter une banque russe !
Le courtier de banque qui a réussi ce coup en déjouant les contrôles est peut-être un informaticien de génie. Mais le système économique où cela est possible est tout de même un système fou.
Dans les entreprises où l'on produit et où se créent les véritables richesses, on impose un rythme de travail de plus en plus dur pour gagner quelques secondes, on restructure pour réduire les effectifs, on bloque les salaires alors que les prix s'emballent, on aggrave l'exploitation en prétendant qu'il faut en passer par là pour résister à la concurrence et à la mondialisation. Et tout cela pour que les profits ainsi sués rejoignent la spéculation financière où des milliards peuvent partir en fumée !
Du coup, même les ministres se mettent à parler de contrôle et de transparence. Mais toute cette affaire montre que le contrôle interne ou celui par des officines spécialisées ne valent rien. Eh oui, la première mesure indispensable serait de lever le secret des affaires, le secret bancaire et de permettre aux employés de banque, aux syndicats, à la population de contrôler les circuits par lesquels passe, s'accumule ou se dilapide l'argent !
À ce qu'il paraît, en liquidant dans la précipitation les actions pourries rachetées par le courtier, la Société générale aurait amplifié le krach boursier en cours. Si cela ne concernait que les actionnaires, on pourrait s'en désintéresser, voire s'en réjouir. Mais la crise financière peut se transformer à n'importe quel moment en une grave crise de l'économie et de la production matérielle elle-même, malgré les rodomontades de Sarkozy ou de la ministre des Finances Lagarde, qui jurent qu'en France tout va très bien.
Une crise économique, c'est des fermetures d'entreprises, des licenciements massifs et une misère aggravée pour le monde du travail. Et même si l'on y échappe encore cette fois-ci, ce sera au prix de nouvelles aides et subventions aux banques. C'est déjà le cas depuis cet été où l'actuelle crise financière a éclaté. Les banques centrales, c'est-à-dire les États, ont déjà versé plusieurs centaines de milliards aux banquiers spéculateurs pour éviter leur faillite. C'est encore et toujours aux classes populaires, et plus spécialement aux salariés, que les dirigeants font payer la note.
La folie de ce système ne peut être soignée par aucune potion. L'économie capitaliste n'est pas seulement profondément injuste parce que basée sur l'exploitation et faite pour enrichir les riches en appauvrissant les pauvres. C'est aussi une économie imprévisible, ingouvernable même par ceux qui en profitent.
Voilà pourquoi dans le passé, où le Parti Communiste était encore vraiment communiste, et dans ce passé plus lointain encore où le Parti Socialiste était vraiment socialiste, ces deux partis avaient pour programme fondamental d'oeuvrer pour le renversement de l'organisation capitaliste de la société. Cet objectif est pleinement d'actualité, même si ces deux partis l'ont depuis longtemps abandonné.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 28 janvier