Les FARC et ses initiateurs : 60 ans de guérilla étrangère au marxisme révolutionnaire18/01/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/01/une2059.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Les FARC et ses initiateurs : 60 ans de guérilla étrangère au marxisme révolutionnaire

L'agitation de Sarkozy autour de la libération d'Ingrid Betancourt a tourné les projecteurs vers la Colombie et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Le gouvernement des États-Unis et l'Union européenne considèrent cette " guérilla marxiste " comme une " organisation terroriste " et lui imputent toute la responsabilité de la violence en Colombie Cette présentation est une falsification éhontée de la réalité historique et politique. La guérilla colombienne trouve son origine il y a 60 ans, en réaction aux répressions sanglantes.

À l'origine des FARC : la terreur d'État

En 1948, le parti libéral veut moderniser le pays par des réformes sociales, notamment agraires, et rencontre le soutien des couches populaires et de la social-démocratie. Cela déplait au parti conservateur, appuyé par les grands propriétaires terriens, et le leader du parti libéral est assassiné. Des émeutes éclatent aussitôt, ouvrant une période de terreur d'État de dix ans appelée " la Violencia ", dont le bilan approche les 400 000 morts. Confrontés à la répression militaire, aux assassinats et à la torture, les militants libéraux et communistes (le PC colombien est d'obédience stalinienne) se réfugient dans les campagnes, où ils forment des groupes armés d'autodéfense. En 1958, lorsque les deux partis bourgeois, libéral et conservateur, s'entendent pour gouverner ensemble et que la terreur cesse, seuls les groupes liés au Parti communiste poursuivent la guérilla. Ces groupes gagnent le contrôle de petites zones, comme à Marquetalia, une communauté rurale du centre du pays, où ils décrètent une république indépendante. En 1964, face à la croissance de la guérilla, les USA, échaudés par l'exemple cubain, assistent le gouvernement colombien dans la répression de la république de Marquetalia. La guérilla se réorganise alors en une petite armée paysanne, qui devient les FARC en 1966, sous l'égide du Parti communiste.

En fait, le Parti communiste ne mise pas vraiment sur cette implantation paysanne. Les FARC ne sont qu'une force d'appoint permettant de contrôler les forces d'autodéfense paysannes. Pourtant, il ne cherche pas plus à organiser la classe ouvrière pour la révolution. Le PC préfère se mettre à la remorque des partis démocrates bourgeois, sous prétexte qu'une révolution ouvrière serait impossible dans les pays sous-développés.

Avec la victoire de Castro à Cuba et la radicalisation de la jeunesse étudiante, d'autres groupes, visant à renverser directement le pouvoir, se forment et connaissent un certain recrutement. Pourtant, l'enthousiasme décline dans les années 1970 et le Parti communiste envisage même la démobilisation des FARC en 1975. En 1984, le gouvernement obtient une trêve en échange de mesures d'amnistie. La majorité de la guérilla dépose les armes et se regroupe légalement dans l'Union patriotique (UP). Sur la base d'un programme de réformes modérées, l'UP remporte un petit succès électoral. Mais la trêve est un piège et la répression s'abat. Les militants de l'UP, sortis de la clandestinité, sont pourchassés et assassinés. Les FARC sont alors réactivées et se séparent du Parti communiste en se fixant l'objectif de la prise du pouvoir par les armes. De 2 000 combattants en 1982, elles passent à 8 000 en 1990 et 17 000 en 2000.

Le narcotrafic modifie la nature de la guérilla

C'est dans ces années que la Colombie devient le premier producteur de cocaïne. Après une première opposition de principe, les FARC y voient finalement un nouveau moyen de financement, plus lucratif que l'" impôt révolutionnaire " et les rançons des otages. Ces nouvelles ressources permettent aux FARC de passer à une échelle supérieure.

Rapidement, l'objectif révolutionnaire passe au second plan. L'activité des FARC consiste surtout à garder la main mise sur ses territoires et la production de coca locale. La guérilla apparaît comme un mini appareil d'État, vivant sur le dos des populations paysannes en échange de sa " protection " contre les paramilitaires.

En fait, la violence, sous ses formes les plus barbares, vient avant tout des paramilitaires, financés par les grands propriétaires et les trusts impérialistes, qui contrôlent l'essentiel de trafic de cocaïne vers les États-Unis et l'Europe. Entre 1997 et 2003, ils ont chassé 5 millions de paysans de leur terre au profit des grandes propriétés. Ils sont aussi l'instrument d'une politique sanglante de répression anti-syndicale et l'actuel président Uribe doit une bonne partie de sa carrière à l'essor du narco-paramilitarisme.

Pour autant, si les FARC ne sont pas un simple groupe terroriste, elles n'incarnent pas non plus une perspective pour la paysannerie pauvre et le prolétariat de Colombie. La transformation des FARC en " seigneurs de guerre ", au discours plus ou moins radical, révèle l'impasse de la politique de guérilla. Si, face à la répression, le refuge hors des villes a pu être une nécessité, le renoncement à s'implanter dans la classe ouvrière et à lui donner des perspectives révolutionnaires, ne l'était pas. La combativité du mouvement syndical colombien, malgré la répression, en témoigne.

Maurice SPIRZ

Convergences Révolutionnaires n° 55 (janvier-février 2008) Bimestriel publié par la Fraction

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