Turquie-Irak : La vérité sur les opérations militaires09/01/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/01/une2058.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie-Irak : La vérité sur les opérations militaires

Écrits alors que l'armée turque poursuit ses attaques contre les positions de la guérilla kurde au nord de l'Irak, les articles qui suivent sont extraits du journal de nos camarades turcs de Sinif Mücadelesi (UCI), du 4 janvier.

Le Premier ministre Erdogan s'est flatté du fait que pour la première fois les opérations militaires menées au nord de l'Irak contre le PKK ont eu le soutien et des États-Unis et de l'Union européenne.

On sait que depuis 1984, 40 000 personnes ont été tuées, dont la grande majorité d'origine kurde, et tous les ans 10 milliards de dollars sont dépensés dans la lutte contre le PKK, ou plus exactement contre le peuple kurde qui réclame ses droits nationaux et qui se révolte contre la répression. Ces dernières années, il y a eu 24 opérations militaires au nord de l'Irak dans le but d'en finir avec le PKK. Une fois même, avec la participation de 35 000 soldats. Et on connaît les résultats. (...)

Les travailleurs, surtout les travailleurs turcs, n'ont aucun intérêt à soutenir tout cela. S'ils le font, qu'ils le veuillent ou non, cela revient pour eux à soutenir l'État et l'état-major, et les patrons qui les exploitent, les oppriment et sont responsables du chômage qu'ils subissent. (...)

Ces dernières semaines toute une batterie d'augmentations a eu lieu. Après l'augmentation importante du prix des transports en commun, l'électricité a subi une augmentation de 15 %, le gaz de 7,4 % et l'essence a de nouveau augmenté. Maintenant, il est question d'augmenter le prix des denrées alimentaires et des produits de base. Une campagne " d'explication " est déjà en cours en vue de justifier comme une nécessité les nouvelles hausses à venir et les attaques déjà programmées contre les droits acquis.

La presse écrite et les chaînes de télévision expliquent longuement qu'" une année difficile attend la Turquie ". Pour eux, concrètement, cela veut dire que les travailleurs doivent accepter de se serrer la ceinture pour défendre la patrie, et que pendant ce temps les profits des patrons vont continuer à grimper ! (...)

Les patrons ainsi que l'État et le gouvernement utilisent différents prétextes qui vont du problème du PKK au problème du terrorisme et à la crise, disant que l'économie est dans l'impasse. Ils voudraient faire payer la facture aux travailleurs, qui n'en sont aucunement responsables.

Pour défendre leurs intérêts et leurs droits, les travailleurs devront réagir ensemble d'une façon consciente, quelle que soit leur origine, Turcs ou Kurdes, sans tomber dans le piège de la division. L'année 2008 sera une année difficile pour les travailleurs ? Si la classe ouvrière utilise sa force, alors c'est pour les patrons et les parasites qu'elle sera difficile !

C'est aussi chez nous qu'ils bombardent !

La guerre menée par l'armée contre le PKK sous prétexte de lutter contre la " terreur " est dénoncée seulement par quelques petits groupes qui exigent l'arrêt des bombardements. De la droite à la gauche, les grands défenseurs de la " démocratie " n'ont même pas protesté contre le fait que le meeting programmé du DTP (le parti légal nationaliste kurde) n'a pas été autorisé. Personne n'a élevé la voix contre la campagne antikurde des médias.

L'État, l'armée et le gouvernement parlent de la " terreur " et du PKK. En revanche la gauche et certains dirigeants syndicaux parlent tout au plus du fait que les dépenses militaires pèsent sur les salaires, voire disent que " là-bas, ils bombardent, ici on augmente les prix ". D'autres disent de façon vague qu'" il faut mettre l'accent sur la paix ". Personne n'explique aux travailleurs pourquoi ils devraient s'opposer aux bombardements, alors qu'on leur insuffle maintenant le nationalisme et la haine des Kurdes, présentés comme une " poignée de terroristes ".

Même si la guerre et les bombardements ont lieu loin de nous, sur les montagnes de l'Irak du Nord, ils nous touchent profondément. Depuis cet été, plusieurs dizaines de milliers de soldats, qui sont de jeunes ouvriers, des enfants ou des pères, sont contraints de vivre sur les montagnes, sous des tentes ou dans des baraques de fortune pendant des mois, avec au ventre la peur d'être tués à tout moment, subissant la chaleur, le froid dans des conditions difficiles. À ces jeunes d'origine turque ou kurde qui sont arrachés de leur vie sous le prétexte de défendre " la patrie " on interdit d'exprimer leur peur et leurs inquiétudes. Ils voient leurs camarades blessés, tués, les jambes arrachées par les mines, les mains gelées. Dans ces conditions, se taire et obéir est absurde, mais on les y oblige.

Ces conditions détruisent l'équilibre mental et physique. Ensuite des dizaines de ces jeunes soldats retournent à leur travail dans les villes. (...) Comment pourront-ils s'adapter à la société autour d'eux ?

Tout cela parce que la bourgeoisie turque et ses dirigeants politiques ne veulent pas reconnaître les droits économiques, sociaux et culturels du peuple kurde, ce qui permettrait de résoudre ce problème facilement.

La guerre ne nuit pas seulement au PKK et aux Kurdes, elle pourrit toute la société de l'intérieur. Cette guerre qui dure depuis plus de 20 ans entraîne la déformation de plusieurs générations de jeunes, et son influence se propage de proche en proche dans toute la société. (...) La gauche turque elle-même n'est pas épargnée par cette militarisation ni par la propagation du poison du nationalisme. Elle parle abstraitement de la fraternité des peuples mais ne fait rien pour. (...) Les sections syndicales même " de gauche " observent un silence total en ce qui concerne les bombardements. La guerre et le fait que les militaires occupent le devant de la scène arrangent aussi le gouvernement qui, préoccupé d'appliquer des mesures d'austérité dans l'intérêt des patrons, saisit l'occasion pour se dédouaner.

Face à cette situation il faut affirmer la fraternité des peuples car les intérêts et les conditions d'existence des travailleurs kurdes et turcs sont étroitement liés.

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