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Dans le monde
Italie : Naples et sa région, victimes de l'incurie des pouvoirs publics
Naples et les villes de sa périphérie disparaissent sous les immondices : 4 500 tonnes de détritus jonchent les rues de Naples ; 50 à 60 000 tonnes s'étalent autour de la ville et quelque 100 000 tonnes dans l'ensemble de sa région, la Campanie. La situation, qui n'arrête pas de se dégrader depuis des années, a atteint un tel degré de gravité que le gouvernement vient de décider un plan d'urgence visant, avec l'aide de l'armée, à faire place nette en l'espace de dix jours ! Il y a tout à parier, malheureusement, que ce sera beaucoup plus long, si jamais cela se réalise.
Ces ordures s'accumulent parce qu'on prétend qu'il n'y aurait ni endroit ni moyen de les traiter. Mais l'incinérateur qui serait nécessaire pour éliminer ces ordures attend depuis quatorze ans d'être terminé. Si pour toute l'Italie, on compte une cinquantaine d'incinérateurs et autres usines de retraitement des ordures, dont une trentaine au nord du pays, il n'y en a aucun pour Naples et sa région.
Toutes les décharges à ciel ouvert de la région sont donc plus que pleines. Depuis 2001, afin de diminuer leur volume, les ordures ont été compactées en énormes paquets. Rapidement remplie, chacune des zones de stockage est régulièrement fermée définitivement... puis ré-ouverte provisoirement. 250 hectares de terrain autour de Naples sont ainsi entièrement occupés par des pyramides de paquets d'ordures, emballés dans du plastique qui résiste mal au temps et aux intempéries. L'une des raisons de la colère actuelle des habitants des villes où se situent ces entrepôts-décharges est qu'ils refusent qu'on ré-ouvre pour la énième fois plusieurs de ces décharges surchargées. À Pianura, petite ville de la banlieue de Naples, une manifestation dans la nuit du 7 janvier a été particulièrement violente et la police a dû reculer tandis que les camions qu'elle escortait, débordants de paquets d'ordures, ont été contraints de faire marche arrière.
Car dans les rues de Naples, les ordures recommencent à être ramassées... dans les quartiers riches. Si le centre touristique de la ville est à peu près nettoyé, les quartiers périphériques et les villes des environs sont abandonnés, dévastés par la présence de montagnes de déchets, avec l'apparition de rats et les risques de maladies que cela signifie.
Il a fallu que la situation se dégrade à ce point pour que les pouvoirs publics se décident à prendre quelques mesures qui, même si elles entraient en vigueur, ne seraient que partielles. Car en fait, le problème de fond est celui de la présence de la mafia napolitaine, la Camorra, dans nombre de domaines de la vie publique, et en particulier dans celui de la gestion des ordures.
Face à la puissance de la Camorra, les pouvoirs publics oscillent entre deux attitudes : fermer les décharges que celle-ci contrôle ; ou bien les ré-ouvrir quand ils n'ont plus d'autre solution pour stocker les ordures, quitte à provoquer la colère de la population locale qui ne veut plus de ces décharges sous son nez.
Les déchets qui s'accumulent dans les rues de Naples et autres villes de façon catastrophique pour l'ensemble de la population illustrent ainsi l'incurie des pouvoirs publics ; qu'il s'agisse de traiter les ordures ou d'empêcher la gangrène mafieuse de pourrir la société.
Lucienne PLAIN
Depuis des dizaines d'années, la Camorra freine tout ce qui serait susceptible d'entraver son contrôle du traitement des déchets, secteur qui lui rapporte des milliards.
Dans les carrières, sous les terres agricoles, sous des friches industrielles, sur des terrains revendus ensuite comme terrains constructibles, entre 2000 et 2004, pas moins d'un million de tonnes de déchets ont été enfouis par ses soins. Ils provenaient non seulement de Naples et de sa région, mais de toute l'Italie, et les ordures ménagères ne sont pas les seules concernées. Les entreprises industrielles, y compris les plus importantes, s'en remettent à des circuits mafieux pour se débarrasser à moindre coût de leurs déchets. Ce sont des gens liés à la Camorra qui se chargent de récupérer, transporter et faire disparaître à des prix défiant toute concurrence, et en dehors de tout contrôle d'une quelconque autorité, les déchets de quelque provenance que ce soit, industriels, chimiques, hospitaliers, etc., s'assurant ainsi un marché aussi juteux qu'illégal.
Ce sont aussi souvent des gens liés à la Camorra qui contrôlent les terrains consacrés aux décharges, y compris celles des ordures ménagères.