Côte-d'Ivoire : Les populations de l'Ouest abandonnées à elles-mêmes dans des villages dévastés09/01/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/01/une2058.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Côte-d'Ivoire : Les populations de l'Ouest abandonnées à elles-mêmes dans des villages dévastés

Cet article est extrait du journal Le Pouvoir aux travailleurs, édité par nos camarades de l'Union africaine des travailleurs communistes internationalistes (UATCI - UCI)

Le mois dernier, un jeune de la région de Bangolo est parti rendre visite à ses parents. Ces derniers, à l'issue de près de quatre ans d'exil, ont décidé de rentrer au village après la suppression de la " ligne de confiance " (qui divisait la Côte-d'Ivoire entre le Sud et la zone du Nord insurgée contre Gbagbo - NdLO). Il raconte ici la misère des parents qui n'ont plus de maison ni de plantation après les cinq ans de guerre.

" Cela fait plus de 6 ans que je n'ai pas mis les pieds dans mon village. C'est un an plus tôt, avant le déclenchement de la crise armée de 2002, que j'ai rendu visite aux parents. Avant d'atteindre mon village, on traversait plusieurs autres villages et des campements tellement grands qu'ils avaient l'allure d'un village. Ces campements étaient habités à la fois par ceux qu'on appelle les " allogènes " et par les " autochtones " guérés. Ils vivaient tous ensemble et même quand il y avait des conflits, ils arrivaient à les régler à l'amiable.

Aujourd'hui je fus étonné que tout cela soit du passé. Plusieurs campements et plusieurs de ces villages sont complètement dévastés. À la place, il ne reste que de la broussaille. La piste menant à mon village est devenue un sentier car aucun camion n'y passe. Les moyens de transport sont les vélos, les motos ou les brouettes.

Tout cela parce que c'est dans notre région que les affrontements entre les bandes armées libériennes recrutées d'un côté par la rébellion (MPIGO) et de l'autre côté par le pouvoir (MILOCI), ont été les plus meurtrières. Ces " voyous de la mort " entraînés pour tuer ont massacré les villageois sans pitié. Les parents avaient fui dès lors les villages. Mais si la guerre elle-même fut de courte durée, elle laissa la place à d'autres bandes armées appelées les " coupeurs de route " qui sévissaient. Elles écumaient nuit et jour les villages, les campements pour voler et piller la récolte des paysans. L'insécurité due à ces bandes continue même à présent de hanter les villageois. Malgré un calme relatif qui s'instaure peu à peu dans la région, suite à la suppression de la " ligne de confiance " et la création du CCI (Centre de Commandement Intégré), l'insécurité demeure. Mais même les militaires du CCI sont obligés de rester en groupe lorsqu'ils se rendent dans les champs.

La conséquence de cette situation est le manque de nourriture chez les parents. Toutes les plantations ont été abandonnées pendant toutes ces années. Aujourd'hui tout manque dans les villages : pas de puits d'eau potable, pas de marché pour s'approvisionner, pas d'électricité dans les villages où il y en avait ; les écoles sont remplies de broussailles. Les risques de famine et d'épidémie de choléra sont certains.

Mais l'appel incessant des parents envers les autorités pour les aider à réhabiliter les plantations, les routes et les pompes d'eau tombent toujours dans des oreilles de sourds. Les parents ont le sentiment d'avoir été " utilisés " comme des cobayes aux heures chaudes de la guerre car notre région fut le réel théâtre de cette guerre.

Sinon, comment comprendre qu'après avoir demandé aux gens de rentrer dans leurs villages, là où ils ont tout perdu, on ne leur apporte pas de l'aide ? "

Ce récit et ce cri de colère de ce jeune font partie de la réalité que vivent les paysans dans le pays profond, loin des manigances des politiciens qui ne pensent qu'aux élections et surtout à comment les remporter.

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