Les propositions de Fillon sur la durée du travail : S'attaquer aux droits collectifs pour mettre les patrons en position de force.02/01/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/01/une2057.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Les propositions de Fillon sur la durée du travail : S'attaquer aux droits collectifs pour mettre les patrons en position de force.

Dans une lettre, datée du 26 décembre, envoyée aux confédérations syndicales et aux représentants du patronat, François Fillon, le Premier ministre, leur demande de négocier en urgence, avant le 31 mars, sur la durée du temps de travail. Il s'agit rien de moins que de la remise en cause de tout ce qui subsiste en ce domaine de protection pour les salariés dans la législation du travail, c'est-à-dire dans les lois, décrets, accords nationaux ou conventions collectives.

Reprenant à son compte les revendications que la présidente du Medef, Laurence Parisot, avait avancées quelques jours auparavant, il explique ses objectifs : " Parvenir à un droit de la durée du travail plus lisible et plus adaptable aux réalités du terrain ", c'est-à-dire à la volonté des patrons dans les différentes entreprises.

Ainsi il décline ses " pistes de réflexions " : " Quel doit être le domaine réservé impérativement à la loi ? " (...) " Quel doit être le domaine réservé aux accords collectifs, et au sein de ces accords, quelle articulation trouver entre le niveau de la branche et celui de l'entreprise. " Puis, poussant encore plus loin, il avance : " Quel espace réserver à l'accord direct entre le salarié et son employeur en matière de durée du travail, notamment en matière d'arbitrage entre le travail et le repos ? "

Depuis toujours, c'est quand la classe ouvrière des grands centres industriels, là où elle était la plus forte, s'est mise en mouvement qu'elle a pu imposer de nouveaux droits qui, formalisés dans des lois, des accords nationaux ou des conventions collectives, ont ensuite bénéficié à tous les travailleurs, y compris à ceux des plus petites entreprises de toutes les corporations. Et tout particulièrement en ce qui concerne le temps de travail. C'est ainsi que les secteurs d'avant-garde du monde du travail ont pu imposer par la loi les onze heures maximum par jour, puis les dix heures, et enfin les huit heures en 1919. Les 40 heures hebdomadaires ont été gagnées en 1936.

Ce sont enfin les conventions collectives des différentes branches arrachées par la grève de 1936 qui ont permis que les droits conquis par les grandes entreprises s'appliquent à tous, y compris au salarié seul face à son patron, et qui fait qu'un accord d'entreprise ou un contrat de travail individuel ne pouvait jamais être inférieur aux droits collectifs contenus dans la convention collective.

C'est tout cela que le gouvernement voudrait remettre en cause. Ce que propose Fillon revient à laisser chaque entreprise décider le nombre d'heures, l'organisation du travail (la nuit, le jour, le dimanche), le montant de la rémunération des heures supplémentaires, à partir de quel nombre d'heures et à quel taux elles seraient majorées ; oui, tout cela serait à " négocier " entreprise par entreprise, voire individuellement pour chaque salarié. Et chacun sait qu'ainsi isolés, les travailleurs seraient bien plus à la merci des patrons.

Certes, bien des reculs ont déjà été imposés ces dernières années aux travailleurs. Il n'empêche que la loi et les accords collectifs représentent encore une protection importante pour des millions des travailleurs dans le pays.

Si l'on en venait à ce que recommande le gouvernement, les droits collectifs voleraient en éclats. Et c'est au mieux dans chaque entreprise que les salariés se retrouveraient isolés face à un patron qui pourrait user et abuser à sa guise de son pouvoir, y compris par le chantage à l'emploi, pour imposer les règles de durée du travail et d'indemnisation qui lui conviendraient. Et encore, au mieux, puisque Fillon évoque l'idée de laisser la possibilité de " négocier " tout cela directement " entre le salarié et son employeur ", c'est-à-dire de revenir plus de cent ans en arrière, avant que la classe ouvrière ait pu imposer des garanties collectives protégeant un tant soit peu les salariés.

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