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Mayotte : Drames de l'immigration et responsabilités de l'État français
Dans la nuit du lundi 3 et mardi 4 décembre un nouveau drame est survenu au large de Mayotte. Une femme et un bébé qui se trouvaient à bord du kwassa-kwassa (une embarcation de migrants), ont péri noyés après que leur frêle esquif a percuté une vedette de la police des frontières. D'autres victimes n'ont vraisemblablement pas été retrouvées.
Vingt-six rescapés, parmi lesquels dix-sept hommes, trois femmes, ainsi que six adolescents et enfants, dont le plus jeune n'a que onze mois, ont été placés dans le centre de rétention de Pamandzi à Mayotte " dans des conditions améliorées " a dit la Préfecture.
La Cimade (Comité inter-mouvements auprès des évacués), la seule organisation non gouvernementale autorisée à pénétrer dans de tels centres, a dénoncé au contraire des conditions de détention déplorables. " Les personnes retenues dorment à même le sol, aucun matériel de couchage n'est fourni, il n'y a pas d'espace séparé pour les familles et les mineurs isolés, il n'y a aucun téléphone à disposition, ce qui empêche les personnes retenues de communiquer avec l'extérieur. Toutes ces dispositions sont contraires aux textes législatifs propres à Mayotte, où s'applique déjà un régime dérogatoire. " Qui plus est, le centre de Pamandzi prévu pour " accueillir " soixante personnes en compte dorénavant soixante-treize, qui vont croupir dans cette geôle française en attendant d'être expulsées comme des milliers d'autres avant elles.
En 2006, pas moins de 13 253 personnes, presque tous comoriennes, ont été reconduites hors de Mayotte. La moitié de tous ceux qui ont été expulsés par la France l'ont donc été dans cette région de l'Océan indien où, il n'y a pas si longtemps encore, les populations, appartenant toutes à un même archipel, circulaient librement. En 1974, Mayotte a fait le choix de rester sous administration française, ce qui pendant plus de vingt ans n'empêcha pas les populations de se déplacer encore assez facilement d'une île à l'autre. Ce n'est qu'en 1995, sous le gouvernement Balladur alors Premier ministre de Chirac, que la libre circulation vers Mayotte a été quasi interrompue. À cette date en effet un visa fut imposé qui transformait les Comoriens en clandestins.
De temps à autre, le gouvernement français fait mine de s'émouvoir du malheur et de la détresse des Comoriens qui bravent tous les dangers au péril de leur vie pour atteindre Mayotte. Mais le fond de sa politique reste fait de répression et de dissuasion : renforcement de la présence policière à Mayotte, décision d'agrandir le centre de rétention en 2008 !
Toutes ces mesures n'arrêteront pas les flux migratoires des Comoriens qui, au risque de leur vie, espèrent trouver à Mayotte ou à La Réunion du travail, des structures où pouvoir se soigner, des écoles pour les enfants ; bref espèrent vivre un peu mieux tout simplement.