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- Lutte ouvrière n°2054
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Italie - Quatre ouvriers brûlés vifs dans une usine à Turin : Patrons assassins !
" Assassins, assassins ". Bien que les syndicats aient voulu un cortège silencieux, les cris fusaient malgré tout dans la manifestation de quelque 20 000 personnes qui a parcouru le centre de Turin lundi 10 décembre. En tête se trouvaient les travailleurs de l'usine Thyssen-Krupp, l'entreprise sidérurgique où quelques jours plus tôt un incendie avait fait plusieurs victimes, révélant les conditions d'insécurité extrême régnant dans cette usine, comme dans de très nombreuses autres.
L'accident s'est produit le 6 décembre, alors que les travailleurs en étaient à la douzième heure de cette équipe de nuit, prolongée en heures supplémentaires en vertu des accords en vigueur. Des étincelles ont surgi, provoquées par le choc de pièces de métal, comme cela est paraît-il fréquent dans ce secteur du laminoir. Elles ont provoqué un feu au contact de l'huile, elle-même présente du fait des fuites de l'installation. Les ouvriers ont alors empoigné les extincteurs, seule mesure de sécurité prévue semble-t-il dans cet atelier. Mais ceux-ci se sont révélés inutilisables. La lance à eau ne fonctionnant pas non plus, en quelques minutes d'én ormes flammes ont enveloppé les ouvriers. Le téléphone d'appel d'urgence étant hors service, les ateliers voisins et les secours n'ont pu être appelés qu'avec retard. Il a fallu alors plusieurs heures aux pompiers pour éteindre l'incendie.
Quatre ouvriers sont morts brûlés et, le 10 décembre, trois autres luttaient encore contre la mort.
L'usine Thyssen-Krupp est l'ancienne usine Fiat Ferriere, qui produisait auparavant uniquement pour le trust Fiat. Restructurée, vidée d'une grande partie de son personnel, son département d'aciers spéciaux repris par le trust allemand Thyssen est maintenant en attente d'être transféré à Terni, dans le centre de l'Italie. À la vétusté des installations s'ajoute le fait que, de toute évidence, la direction ne souhaitait faire aucune dépense pour cette usine en attente de fermeture. Cela ne l'empêchait pas d'y faire produire le plus possible et de prolonger la durée des équipes jusqu'à douze heures.
Questionné par la presse au sujet de l'état des extincteurs, le chef du personnel a eu l'audace de renvoyer la faute sur les ouvriers, déclarant que c'était à eux de veiller à les recharger. Cet aveu qu'aucun service de sécurité n'était réellement prévu dans cette usine dangereuse a soulevé l'indignation. Mais le cas de la Thyssen-Krupp n'est pas isolé. Le nombre d'accidents mortels du travail est particulièrement élevé en Italie, puisqu'il a été de 1 302 en 2006. Les " morts blanches ", comme les appellent les journaux, sont nombreuses dans le secteur du bâtiment, mais pas seulement. La précarité et la sous-traitance généralisées, la négligence d'employeurs soucieux d'utiliser des installations usées jusqu'à la corde, ont souvent des conséquences mortelles.
L'accident de la Thyssen-Krupp a soulevé suffisamment d'émotion pour que les syndicats appellent les travailleurs de la métallurgie de la région turinoise à huit heures de grève lundi 10 décembre, et les autres secteurs tout juste à deux heures pour pouvoir se joindre au cortège. Les directions syndicales elles-mêmes ne sont pas exemptes de responsabilités, et bon nombre d'ouvriers le savent bien, comme l'ont prouvé les cris de " Vendus, vendus " qui ont accueilli les discours des leaders syndicaux au terme du cortège du 10 décembre. La concertation avec le patronat, la signature d'accords avec celui-ci autorisant les heures supplémentaires et prévoyant l'augmentation de la productivité, ont évidemment des conséquences. Ils dissuadent même les militants syndicaux, à la base, d'agir pour faire respecter des conditions élémentaires de sécurité. Les travailleurs ont ainsi le sentiment justifié de devoir mourir au travail victimes d'une complicité généralisée, et criminelle, qui englobe les autorités, le patronat, mais aussi les grandes confédérations syndicales.
Après le drame de Thyssen-Krupp, le gouvernement et même le président de la République y ont été de leurs déclarations et ont promis de nouvelles mesures. Mais ce qui est en accusation, c'est un système où domine la loi du profit et où, de plus en plus, les patrons se sentent les mains libres pour faire fonctionner leurs usines au mépris le plus total de la vie de leurs ouvriers.