États-Unis : L'offensive des constructeurs automobiles contre les travailleurs22/11/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/11/une2051.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : L'offensive des constructeurs automobiles contre les travailleurs

Aux États-Unis, les patrons de l'automobile ont déclenché une offensive d'envergure contre les travailleurs. Jusque-là ils s'étaient contentés, si l'on peut dire, de rogner petit à petit sur les salaires, les prestations sociales, les conditions de travail, à chaque renouvellement de contrat. Mais cette année les contrats proposés par les trois grands constructeurs automobiles, General Motors, Chrysler et Ford, visent à reprendre d'un coup à 180 000 salariés et 520 000 retraités et veuves, les principales protections que les luttes des travailleurs avaient pu arracher dans le passé.

La remise en cause de tous les acquis

Cela concerne aussi bien les salariés en activité que les retraités et les futurs embauchés. C'est la guerre ouverte déclarée non seulement aux travailleurs de l'automobile mais au-delà à l'ensemble de la classe ouvrière.

En effet les contrats prévoient un salaire réduit de moitié, une retraite qui n'est plus garantie et une couverture médicale minimum pour les nouveaux embauchés dans toute une série de postes : cela représente pour la direction une économie des deux tiers du salaire et des avantages sociaux. Les anciens vont être poussés dehors et bientôt cette condition des nouveaux embauchés sera le lot commun. Selon GM, d'ici quatre ans les trois quarts des salariés seront dans ce cas.

Les retraités qui avaient droit à une couverture médicale à vie sont désormais privés de cette garantie. Les constructeurs ont décidé que cela leur coûtait trop cher et se sont débarrassés de cette charge sur le syndicat, l'UAW, qui va ainsi gérer un fonds, notoirement sous-alimenté dès le départ puisque les constructeurs n'ont versé qu'une partie de ce qu'ils doivent (entre 55 % pour GM et 45 % pour Ford) et le plus souvent sous forme d'actions ou de titres qui peuvent ne plus rien valoir du jour au lendemain.

Voilà les sacrifices les plus gros que les patrons veulent imposer pour diminuer leurs coûts. Mais il y en a bien d'autres : les travailleurs licenciés perdront leurs indemnités s'ils n'acceptent pas le travail qu'on leur propose ; il faudra payer plus pour se soigner ; pendant les quatre années du contrat, les salaires ne seront plus indexés sur les prix et les augmentations de salaire seront remplacées par des primes. Les travailleurs y perdent beaucoup, de l'ordre de 17 000 dollars sur quatre ans à Ford, par exemple.

Le syndicat complice des patrons

Il a fallu que le syndicat mette tout son poids et exerce de fortes pressions sur les travailleurs pour leur faire accepter de tels contrats. Aucun mensonge n'a été trop gros pour les responsables de l'UAW quand il s'est agi de leur présenter le contrat, en leur disant qu'il sauverait la protection médicale des retraités et surtout les emplois. Le syndicat a même appelé tous les travailleurs de General Motors à la grève, pour la première fois depuis 37 ans, pour obtenir des garanties sur l'emploi. Au bout de 48 heures, GM avait fait mine de céder. Chez Chrysler, l'UAW et la direction ont joué la même pièce mais la grève n'a duré que six heures. Chez Ford le syndicat s'est contenté de dire que la négociation s'était terminée par un marathon de 40 heures de réunions non stop ! Tout cela pour faire croire à l'intransigeance du syndicat, au fait qu'il avait arraché le maximum et que les directions s'étaient engagées sur le maintien des emplois, sur des investissements aux États-Unis, etc.

La résistance commence à s'organiser à la base

Malgré tous ces mensonges et le fait qu'il est pratiquement impossible de savoir avant de voter ce que contiennent exactement les contrats, 36 % des travailleurs de GM ont voté contre le contrat, qui a été adopté avec la majorité la plus faible jamais vue pour un contrat dans l'automobile. Quelques semaines après, fin octobre, chez Chrysler, le vote a été plus serré encore puisque 45 % des travailleurs ont refusé le contrat, le vote étant même majoritaire dans plusieurs grandes usines d'assemblage. Les bureaucrates du syndicat ont dû faire des descentes à plusieurs dizaines et parfois jusqu'à 200 dans une même entreprise pour menacer les travailleurs de la fermeture de l'usine s'ils rejetaient le contrat, ou au contraire leur promettre que l'usine ne serait pas fermée s'ils votaient bien. Mais en novembre, lorsque ceux de Ford ont été appelés à voter, les travailleurs pensaient que les jeux étaient faits. Le syndicat a fait voter d'abord les établissements dont il était le plus sûr, puis en dernier ceux où la contestation était la plus forte. Chez Ford il n'y a plus eu que 22 % de votes contre le contrat mais, dans certaines sections syndicales, l'abstention a été forte, dépassant parfois la moitié des effectifs.

Depuis plus d'un demi-siècle, jamais les dirigeants de l'UAW n'avaient eu autant de mal à faire ratifier un contrat par les travailleurs et ils n'ont pu le faire qu'en leur mentant sans vergogne. Ceux-ci ne vont pas tarder à s'apercevoir que le syndicat a véritablement trahi leurs intérêts au profit de la direction. Le mécontentement déjà grand va sans doute s'amplifier, ainsi que la méfiance envers les dirigeants syndicaux. Déjà des syndicalistes, des travailleurs ont ressenti le besoin de se coordonner pour dénoncer les contrats et se faire entendre aussi bien chez GM, Chrysler ou Ford.

Alors les constructeurs ont peut-être gagné la première manche avec l'aide de l'UAW, mais la partie n'est pas terminée et il n'est pas dit que les patrons réussissent à mettre en oeuvre ces contrats pourris sans susciter une résistance que les dirigeants du syndicat ne pourront peut-être plus contrôler.

Partager