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Dans le monde
Europe : Un " mini-traité " pour le grand capital.
" L'Europe est sortie de la crise institutionnelle et prête à affronter les défis du futur ", a affirmé le Premier ministre portugais, à l'issue du sommet de Lisbonne. Les représentants des 27 États de l'Union européenne venaient d'y parvenir à un accord sur ce qui doit remplacer le projet de Constitution européenne, rejeté au printemps 2005 en France et aux Pays-Bas respectivement par 55 % et 62 % des électeurs.
Ce projet de traité dit " modificatif " forme un texte de plusieurs centaines de pages, que Sarkozy qualifie sans rire de " mini-traité ". Y sont énumérées les 297 modifications des traités existants, à quoi s'ajoutent douze protocoles et quelques dizaines de déclarations, sans que jamais le texte du traité soit publié en tant que tel. Il y a ainsi encore moins de risques de voir de trop nombreux habitants de l'Union européenne aller y mettre leur nez. De peur qu'ils y trouvent un air de déjà vu. Et pour cause : de Giscard d'Estaing, père de la défunte Constitution européenne, à Angela Merkel, Romano Prodi et quelques autres dirigeants européens, c'est à qui répétera, tel Zapatero, que " nous n'avons pas abandonné un seul point essentiel de la Constitution ".
Mais certains de leurs collègues, en France, aux Pays-Bas, en Pologne notamment, ont d'autres problèmes vis-à-vis de leur opinion, à laquelle ils ne peuvent pas le dire aussi crûment. Alors, il a fallu trouver un truc et, pour citer un ministre belge : " Ce traité devait être obscur. C'est un succès. "
Mais, obscure ou pas, c'est bien la même soupe qu'on nous sert qu'en 2005. Dès le préambule de ce qui ne s'appelle donc plus Constitution, le projet réaffirme le rôle essentiel de " l'héritage religieux " en Europe. L'expression " concurrence libre et non faussée ", qui figurait dans le projet de Constitution, a disparu du traité, mais c'est à tout bout de champ qu'y est réaffirmé le rôle de la concurrence capitaliste, à laquelle notamment devraient être soumis les services publics. Et il n'est pas plus question qu'auparavant d'harmonisation sociale par le haut en Europe. La Grande-Bretagne et la Pologne ont d'ailleurs obtenu d'être dispensées d'appliquer le peu de " droits fondamentaux " dont la Charte européenne du même nom ne fait que parler. S'agissant des droits de l'Homme, ce traité présente, de fait, la chasse aux sans-papiers comme un des objectifs de l'Union. Quant au militarisme, il est toujours aussi présent, le traité engageant " les États-membres à améliorer progressivement leurs capacités militaires ".
Par crainte d'être désavoué comme Chirac en 2005, Sarkozy refuse un référendum sur ce traité, dont il réserve la ratification aux parlementaires. Il peut compter en cela sur l'appui du Parti Socialiste. Car sa direction soutient majoritairement ce traité, comme elle soutenait le projet de Constitution précédent. Et on la voit osciller entre la perspective d'un vote " pour " au Parlement et celle d'une abstention hypocrite, qui lui éviterait d'apparaître comme se ralliant trop ouvertement à Sarkozy, sans empêcher l'adoption du traité.
Le morcellement de l'Europe, en un nombre d'États qui n'a cessé de grandir au fil des dernières décennies, et les égoïsmes nationaux, qui continuent à opposer les différentes bourgeoisies nationales au sein même de l'Union européenne, sont un non-sens... que ce traité ne fera pas disparaître. Il ne fait aucun pas en cette direction, pas plus que le projet de Constitution qui l'avait précédé. Il vise seulement à établir des règles de cohabitation entre les différents États-membres de l'Union, en privilégiant les plus puissants.
Faire disparaître complètement les frontières qui déchirent l'Europe, tout en permettant à tous les peuples qui y vivent et à leurs cultures de s'épanouir, cela ne pourra se réaliser que sous la forme d'une Europe socialiste, oeuvrant pour le bien commun de tous ses habitants, et non pour les profits des groupes capitalistes aussi adversaires qu'alliés.