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- Lutte ouvrière n°2045
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Dans le monde
Quarante ans après la mort de Guevara, le guérillero fait encore peur.
Le quarantième anniversaire de la mort d'Ernesto " Che " Guevara a été l'occasion, dans bien des médias, d'une campagne haineuse contre le guérillero assassiné par l'armée bolivienne le 9 octobre 1967.
Ces médias, en citant certains auteurs cubains en exil, ont peint en noir ce que les mêmes ou leurs prédécesseurs peignaient en rose lors du succès de la révolution cubaine. Celle-ci fut saluée à ses débuts par bien des intellectuels comme une bouffée d'air frais. Battista avait à peu près aussi mauvaise réputation que Duvalier et ses tontons macoutes à Haïti. Aussi, les " barbudos ", les révolutionnaires cubains, furent-ils à la mode ces années-là, jusque dans les pages du magazine Elle.
À l'époque, les intellectuels, souvent tiers-mondistes, regardaient d'un bon oeil une révolution qui leur semblait plus libertaire que la Russie de Khrouchtchev ou la Chine de Mao. Et personne ne s'émouvait de l'épuration qui accompagna la chute de Battista. Après tout, la France avait connu à la fin de la Seconde Guerre mondiale une " épuration "... qui frappa bien plus de lampistes, voire d'innocents, que de vrais responsables.
Mais aujourd'hui, dix-sept ans après la chute du mur de Berlin, beaucoup de ces anciens intellectuels de gauche se situent à droite et font profession d'anticommunisme.
Le principal témoin des journalistes soucieux de dénoncer " la face cachée du Che " est Jacobo Machover qui, dans un livre portant ce titre, et recopié ces jours-ci par les journalistes, cite le cas d'un lieutenant Castano, un responsable du Bureau de répression des activités communistes sous Battista, exécuté après un procès sommaire en 1959 alors qu'il n'aurait été qu'un agent de renseignement et n'aurait pas tué directement. Mais combien de morts avait-il sur la conscience ?
Et quand Guevara n'est pas traité de " petit boucher ", il se voit reprocher d'avoir joué avec les nerfs de ses prisonniers... en ne les exécutant pas ! Comme ce descendant d'un ancien président de la République, qui avait dénoncé des révolutionnaires, mais fut finalement épargné par le régime castriste. Machover, qui cite ce cas, pourrait se demander pourquoi le régime castriste cherchait à ménager certains anciens possédants, mais cela ne l'intéresse pas. Il veut y voir un trait sadique du caractère du " Che ".
Guevara, pas plus que Castro, n'était un révolutionnaire prolétarien. Et nous avons aucune raison de nous solidariser avec tous les aspects de leur politique. Mais c'était le droit de la révolution cubaine de se défendre, y compris par la violence, contre l'impérialisme américain et ses agents.
Le peuple cubain a sauvegardé son indépendance. En revanche, le peuple chilien a payé cher la politique du socialiste Allende qui refusa d'armer préventivement la population contre les généraux putschistes.
Sans doute les libertés démocratiques sont-elles réduites à peu de choses à Cuba. Le niveau de vie des masses (et la pression de l'impérialisme n'y est pas pour rien) y est très bas. Mais Cuba reste, quarante ans après, un des rares pays d'Amérique latine où la population pauvre bénéficie de l'éducation et de la protection sociale. Ce n'est vraiment pas le pire bilan d'Amérique latine.