Réforme de la "carte judiciaire" : Pas plus juste et encore plus loin26/09/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/09/une2043.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Réforme de la "carte judiciaire" : Pas plus juste et encore plus loin

Le ministère de la Justice étudie une refonte de la " carte judiciaire ", c'est-à-dire une modification du nombre, de l'emplacement et des compétences des divers tribunaux. Comme pour les autres " réformes " mises en place par le gouvernement Sarkozy, derrière les grandes phrases, il y a la volonté toute nue de faire des économies au détriment des services rendus à la fraction la plus démunie de la population.

Ainsi le projet prévoit-il de supprimer 207 tribunaux d'instance, sur les 473 qui fonctionnent actuellement. Ces tribunaux statuent sur les affaires de crédits impayés, d'expulsions locatives, de logements indécents, de surendettement, de tutelle etc., c'est-à-dire sur des problèmes, parfois dramatiques, qui touchent les milieux populaires. Or, pour des raisons sociales et financières, l'accès à la justice leur est déjà difficile. La réforme veut ajouter à cela l'éloignement géographique. Pour se défendre devant un tribunal, il ne suffira plus de savoir que c'est possible, de constituer un dossier et, éventuellement, de payer un avocat, il faudra de plus se déplacer assez loin. Ce problème paraît peut-être négligeable à ceux qui rédigent les projets de loi et à ceux qui les mettent en oeuvre. Il ôtera pourtant aux gens modestes qui vivent isolés dans les petites villes la possibilité, aussi mince soit-elle, de se défendre devant les tribunaux.

La réforme prévoit aussi de supprimer 87 conseils de prud'hommes sur 271. Là encore, le travailleur d'une petite ville en butte à l'arbitraire patronal devra faire plusieurs dizaines de kilomètres pour aller constituer un dossier et le présenter. De plus, les défenseurs des salariés, le plus souvent des militants syndicaux bénévoles, devront faire les mêmes trajets. En revanche cela ne posera pas de problème aux patrons, qui ont le plus souvent les moyens de se faire représenter par un avocat se déplaçant en voiture et pouvant présenter les notes de frais qui vont avec. Les travailleurs, eux, auront forcément moins recours aux Prud'hommes et les patrons auront les coudées encore un peu plus libres.

Dans son discours de présentation du projet, la ministre de la Justice, Rachida Dati, assurait évidemment que cette réforme avait pour but d'améliorer la justice rendue. Mais elle parlait aussi de considérations beaucoup plus terre à terre, déclarant par exemple que " l'extrême atomisation des sites judiciaires pose des problèmes de maintenance immobilière et de sécurité ". La solution est donc toute trouvée et très économique : plutôt que de rénover les bâtiments, on les ferme.

Outre régler les litiges entre possédants, l'appareil judiciaire sert bien souvent à couvrir le détroussage des pauvres par les riches. Pour cela, il aura toujours des crédits et des bâtiments, des juges et des avocats. Quant aux petites gens qui auraient l'outrecuidance de vouloir se faire rendre justice, il leur restera à se déplacer, à payer, à attendre et à espérer.

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