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Leur société
Épinal (Vosges) : Le scandale de la radiothérapie
Près de 5 000 malades traités pour un cancer sont susceptibles d'avoir reçu une dose excessive de rayons entre 1989 et 2006 au Centre hospitalier d'Épinal, vingt-quatre très gravement, et cinq sont morts. " Une affaire sanitaire d'ampleur rarissime ", est obligé de reconnaître aujourd'hui le ministère de la Santé, alors que les autorités ont traîné les pieds et ont fait preuve de l'opacité la plus totale.
C'est en octobre 2006, suite à des plaintes de malades victimes d'irradiation excessive, que l'affaire a éclaté. L'Agence régionale d'hospitalisation (ARH) de Lorraine ne parlait alors que de quelques cas de surdosage " limités dans le temps " et uniquement lors du traitement des cancers de la prostate.
Elle faisait état de 23 personnes touchées, dont une qui trouva la mort à cause de ce qu'on disait être, à l'époque, une " erreur humaine " liée à un manque de formation dans l'utilisation d'un logiciel entre 2004 et 2005. Puis la liste des décès s'est allongée - cinq reconnus à ce jour - et le nombre de malades qui ont reçu une dose excessive de rayons lors d'un traitement anticancéreux a explosé. 721 personnes sont, pour l'instant, officiellement reconnues victimes d'un excès d'irradiation.
Bien sûr, les conséquences ne sont pas les mêmes pour tous les malades. Pour certains, les effets secondaires sont minimes, mais pour d'autres les conséquences sont très invalidantes. Les brûlures provoquées par l'excès de rayons peuvent aller jusqu'à la pose d'un anus artificiel imposé dans plusieurs cas de traitement de cancer de la prostate. Sans compter les victimes dans d'autres pathologies, comme cette femme décédée après un cancer du sein et dont la famille n'arrive pas à récupérer le dossier médical. Selon un médecin de Colmar, son décès est dû à un excès d'irradiation, mais elle ne fait pas partie pour l'heure de la liste des victimes.
Certes, des accidents sont toujours possibles. Mais, cette fois, on constate toute une chaîne de responsabilités : des logiciels en anglais, comme si on ne pouvait pas les traduire ; des erreurs graves dans ces logiciels, comme si personne ne pouvait vérifier ; des chefs de service, soi-disant compétents, ne surveillant rien et envoyant promener les malades qui se plaignaient ; une direction de l'hôpital cherchant à minimiser l'affaire depuis le début ; et des autorités de santé sourdes à toutes les critiques.
Ce qui est révoltant, c'est la façon dont les autorités ont traité les victimes de ces excès de rayons. Un rapport de l'IGAS publié en mars dernier affirmait que " les effets de l'accident ont été constamment minimisés " et que " les malades ont été livrés à eux-mêmes ". Il dénonçait le fait que la direction de l'hôpital a été mise au courant à l'été 2005 d'une erreur de surdosage, mais que ni la DDASS ni l'ARH, averties en septembre, n'ont alerté qui que ce soit. Il a fallu attendre les plaintes des victimes pour que l'affaire sorte au grand jour et que des enquêtes soient diligentées.
L'affaire de la radiothérapie d'Épinal est " une catastrophe et un scandale " pour l'avocat des victimes, qui souligne que la majorité des victimes n'ont pas été indemnisées par la compagnie d'assurance de l'hôpital, contrairement aux déclarations des autorités, et que l'administration a volontairement caché les fautes commises aux malades et à leur famille.
Depuis février, le service de radiothérapie d'Épinal a été fermé. Il devait rouvrir à partir du mois de juin ou en septembre, mais cela a été reporté au plus tôt à début 2008. Deux radiothérapeutes ainsi que le radiophysicien licencié depuis ont été suspendus.
En juin, la CGT santé avait organisé un débrayage national des radiophysiciens qui, selon l'Est républicain, ne seraient que 350 en France (contre 1 800 en Angleterre et 1 200 en Allemagne). À Épinal, le radiophysicien était seul avec 700 malades, alors qu'une circulaire ministérielle en recommande un pour 400 patients. Celui d'Épinal partageait son temps entre les cliniques privées de la ville et l'hôpital...
La ministre de la Santé a beau déclarer vouloir faire toute la lumière, les pouvoirs publics ont une responsabilité écrasante dans cette affaire en ne donnant pas les moyens nécessaires aux services publics pour fonctionner correctement.